Des femmes, des rencontres, sources de création
mai 2002
(DP) - L'exposition Amazonas Urbanas, de Natasha Hébert, comprend d'abord plusieurs grandes toiles accrochées au mur, et, au mur également, une série de sculptures réalisées à partir de bois de grève. Au fond de la salle, deux grandes voiles blanches triangulaires vont du plafond au plancher, surplombant un quai central formé de plates-formes de bois qui supportent différents objets.
Cette structure centrale évoque indéniablement le processus, le travail, les étapes qui mènent à la réalisation des oeuvres: on y trouve, posées comme au hasard et sans ordre défini, des photos abstraites portant divers motifs, deux grandes toiles non encadrées dont le bord supérieur est replié, qui évoquent, en deux séries de teintes, les amazones de Barcelone présentes au mur, une autre toile toute froissée. Et différents matériaux éparpillés, bouts de tuyaux, morceaux de plâtre et de métal, que l'artiste a récupérés en fouillant dans les poubelles du CNE (bien garnies en cette période de travaux de construction) quelque temps avant le vernissage.
L'exposition se présente donc comme un grand récit peuplé de petits récits. Ces récits se lisent dans les toiles à l'acrylique intégrant des éléments photographiques: chacune d'elles a été inspirée par une femme, amie ou étrangère avec qui il y a eu une brève rencontre, un voyage, une amitié, explique Natasha Hébert en entrevue.
Un trajet en voiture donne «Dans les yeux de la Mercedes»: Mercedes, c'est donc une voiture, et aussi une péruvienne qui vit à Barcelone, avec laquelle l'artiste a fait un voyage en voiture. Le périple lui a inspiré l'idée de deux femmes «jouant à Thelma et Louise», et, sur la toile, un visage en gros plan, yeux et bouche occupés par des photos de pare-brise et de verre brisé.
«Il pleuvait sur Bruxelles» lui a été inspirée par une femme, Carole, qui visitait régulièrement à l'hôpital sa mère atteinte du cancer: l'artiste a laissé la peinture couler sur la toile, comme la pluie, et la couleur de certaines de ces coulées évoque celle du chocolat ... belge.
Natasha Hébert a aussi représenté Nicole, une femme de Rivière-du-Loup, sous les traits d'une «sirène dans sa robe de poisson»: la robe en question, longue et moulante, est réalisée avec un collage de photos d'étalages de poissonniers. Il faudrait aussi parler de son «Amazone à bottes sur fond d'extase», qui laisse entrevoir les éléments d'une grande botte aux tons cuivrés se détachant sur des formes ovoïdes de couleur pastel, et de «Kate la sorcière d'Oxford dans son maillot prada»: où le texte raconte l'histoire d'une femme qui transporte ses vêtements et objets griffés dans un sac de plastique blanc, histoire de ne pas attirer les regards, ni l'attention d'éventuels voleurs. La «joggeuse vénitienne sur plaques d'humidité» est une très belle composition aux couleurs complexes d'où se dégage une atmosphère étrange, mystérieuse, inquiétante.
Deux paires de souliers à hauts talons posées sur des socles, tapissées de motifs photographiques et décorées de carreaux de céramique et de morceaux de verre, sont aussi des sculptures à leur façon. La paire rouge est baptisée «Chaussures de ville pour amazone urbaine», et la bleue, dont les bords sont garnis de chaînes de vélo, «Chaussures sport pour amazone urbaine»: mais on n'imagine personne courant avec de telles chaussures au pied! Clin d'oeil, irruption de l'humour, qui n'est absent ni des oeuvres ni des textes de cette exposition.
Humour également dans la série de cornes, petites sculptures accrochées au mur: pour «corne branchée pour soirée interminable», le bois de grève sort d'un morceau de disque vinyle surmonté d'un disque laser. une longue branche passe entre entre deux plus courtes pour former le «tricorne amoureux», et dans «corne pour taureaux d'intérieur», la double corne est aplatie, recouverte de motifs de céramique turquoise et fixée sur le goulot cassé d'une bouteille.