Errances urbaines et photomontage
mai 2002
par Denise Pelletier
(DP) - De ses voyages, errances et rencontres dans les grandes cités du monde et dans les petites villes du Québec, Natasha Hébert rapporte des «amazones urbaines». Elle les a d'ailleurs installées en quelque sorte dans son alma mater, le Centre national d'exposition où, quand elle était jeune, elle a suivi des cours de musique et d'arts plastiques. C'est aussi là qu'elle a vu sa première exposition en art contemporain.
«Le centre culturel a joué un rôle important dans mes choix de vie, explique l'artiste née à Arvida, qui présente donc au CNE pendant tout l'été une exposition-installation intitulée «Amazonas urbanas».
Mais qui est donc Natasha Hébert, cette jeune artiste qui a vécu et voyagé dans les grandes villes du monde? Nous le lui avons tout simplement demandé, lors d'une entrevue réalisée sur les lieux même de son exposition.
Sensibilisée depuis son enfance à la création artistique et attirée par ce domaine, elle a étudié en arts au Cégep, puis en histoire de l'art à l'Université Laval. Elle s'est ensuite installée à Rivière-du-Loup, où elle a dirigé le centre culturel, et enseigné les arts au Cégep pendant quatre ans.
Mais il y a trois ans, elle en a eu assez de cette petite vie tranquille, qui semblait vouée à l'accumulation d'objets et de possessions. Elle a donné, vendu, bradé, réduit tous ses avoirs au contenu d'une petite valise, où d'ailleurs l'objet le plus important est un appareil photo, et elle est partie, comme ça.
Sans plan précis, elle voulait faire des rencontres, des recherches qui éventuellement alimenteraient sa création artistique. Elle a séjourné un an en Belgique, et deux ans à Barcelone, la capitale catalane. Elle a pris des photos, des notes, écrit des textes. Visitant des expositions, des ateliers, des manifestations en arts visuels, rencontrant des artistes, elle a pu gagner sa vie en rédigeant des articles pour des publications, surtout québécoises, spécialisées en arts.
Amazones
Pour trouver ses amazones urbaines, Natasha Hébert marche dans les rues des villes: elle rencontre des gens, leur fait raconter leur histoire, prend des photos, et même des empreintes comme elle l'a fait à Barcelone. Elle a en effet étendu des toiles directement sur certaines parties de rues et de trottoirs, recueillant par impression les motifs quadrillés ou en losange qui les constituent, qu'elle a ensuite intégrés à certaines toiles.
Arriver dans une grande ville et y établir des contacts, ce n'est pas évident, mais Natasha Hébert est devenue spécialiste en la matière: que la ville soit grande ou petite, le système est partout le même, il y a la gare, le centre, les transports en commun. «Comme je voulais absolument travailler, je n'avais pas le choix de parler aux gens», dit-elle. Et c'est fou ce qu'ils ont à raconter, les gens. Des anecdotes, des aventures, des vies entières, grands drames ou épisodes cocasses, des histoires brèves ou interminables d'amour, de haine, de passion. Natasha Hébert écoute, répond, laisse agir son imagination, y ajoute ses propres réflexions ou idées, et voilà une matière riche et foisonnante qui sera à la source d'oeuvres diverses.
Elle a passé l'hiver dernier à Montréal, où elle a travaillé en atelier à partir des photos rapportées de ses voyages pour produire l'exposition «Amazonas urbanas». Toutes ces oeuvres constituent un jeu sur les sens, mélangeant les allusions, les connotations, les éléments qui rappellent une ville, une femme ou un type de femme, une histoire, des idées, une philosophie, et surtout une vision particulière, explique Natasha Hébert. Les femmes sont vues comme des guerrières modernes, ayant chacune un caractère: agressif, tendre, craintif, audacieux. «Mujeres como ciudades», des femmes comme des villes, a-t-elle inscrit sur la toile présentée à l'entrée de la salle.
Projets
Elle n'est pas l'artiste d'un seul médium. Le photomontage était nouveau pour elle, elle a écrit des textes pour accompagner ses toiles, mais elle compte bientôt publier un livre, lui aussi inspiré par ses rencontres urbaines, qu'elle va intituler «Chroniques d'une amazone urbaine»: c'est à cela qu'elle compte travailler pendant l'été qui vient.
Pour l'art pictural, elle envisage d'explorer dans une prochaine étape les intérieurs urbains, plutôt que les espaces extérieurs: des chambres, des lieux fermés. Il y a déjà plusieurs éléments abstraits dans ses toiles, mais ils occuperont encore davantage d'espace dans ses oeuvres futures: «l'abstrait s'en vient», dit-elle, ajoutant qu'elle compte aussi dans quelque temps aborder le travail à l'huile.
On termine l'entretien en parlant de New York, le sujet de l'une de ses toiles dominée par des tons de bleu pâle et tendre. «Privée de ses tours phalliques, New York féminisée s'éveille et s'étire au premier matin», a écrit Natasha Hébert, qui a visité la ville quelque temps après le 11 septembre. «New York est très proche du Québec mais on ne s'en rend pas compte. C'est une ville qui nous appartient, on la nourrit également: il suffirait de s'ouvrir un peu l'esprit et les échanges pourraient être très riches», croit-elle.