Procédé ancien, contenu moderne
mars 2002
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - Jean-Philippe Lemay fait appel aux procédés les plus anciens de la photographie pour évoquer des paysages urbains et des espaces occupés par l'architecture moderne. Pour celui qui regarde, le contraste entre la technique et le sujet crée un point d'intérêt, dessine un espace de fascination qui suscite la réflexion. D'ailleurs le titre même de l'exposition, «Procédé et perception», présentée par Jean-Philippe Lemay à la galerie Séquence jusqu'au 7 avril, met immédiatement le visiteur sur la piste.
Il propose donc des photographies, en séries de deux ou trois la plupart du temps, aux teintes sépia et offrant des images déformées, comme si on les voyait à travers des verres grossissants. Les images ont été captées dans les rues ou environs de Montréal, on peut à l'occasion y reconnaître un édifice, ou une rue, le magasin Archambault ou les locaux de l'Office national du film, par exemple.
Dans plusieurs cas, la série comprend une photographie imprimée sur une longue bande horizontale, où la représentation est assez fidèle, associée à deux photos plus petites, de forme circulaire souvent. Celles-ci reprennent des détails de la plus grande, mais déformés, grossis, dédoublés ou inversés, intégrant quelques espaces noirs, tels des points aveugles, véritables angles morts entre procédé et perception.
Pour obtenir et traiter ces images, Jean-Philippe Lemay a fabriqué lui-même ses appareils en fonction du résultat recherché (distorsion, diffusion, inversion), selon le principe de la camera obscura, une simple boîte noire avec une petite ouverture qui laisse passer un rayon de lumière pointant vers un support sensible. Celui-ci est en l'occurrence une émulsion liquide, le Van Dyke Brown, posée sur un papier chiffon, ce qui donne aux images leur teinte sépia et cette lumière diffuse qui laisse les contours flous.
Tout ceci apparente le travail du photographe à celui d'un sculpteur, sculpteur de caméras qui à leur tour sculptent les images, comme dans un retour - ou recours - au contact direct entre la matière et le créateur. Celui-ci, considéré comme un jeune artiste émergent, sent donc le besoin d'explorer (peut-être d'abord, avant de passer à autre chose) la base même de son art, et de se colleter avec les mêmes difficultés qu'ont connues les pionniers de la photo. Tout en y apportant les idées et les concepts d'aujourd'hui, qui confèrent à son travail une optique moderne, même s'il ignore délibérément l'ordinateur et les procédés de traitement numérique qui permettent de trafiquer les images.
«Procédé et perception » est donc une exposition intéressante à la fois par la démarche de l'artiste et par les résultats obtenus. Jean-Philippe Lemay vit à Lanoraie et travaille à Montréal. Bachelier en arts visuels à l'UQAM en 1999, il recevait en 2001 le prix Artiste de la relève lors du concours Grands Prix Desjardins de la culture de Lanaudière. Il a déjà présenté quelques expositions solo et participé à plusieurs expositions collectives.