Rita Lapierre-Otis

Mouvances organiques et estampes végétales
janvier 2002

par Denise Pelletier

JONQUIERE(DP) - Organique, végétal, esthétique, intimiste: tels sont les mots qui nous viennent à l'esprit quand on visite l'exposition «Lieu d'impressions, Lieu en mouvance», présentée au Centre national d'exposition (jusqu'au 17 février), de Rita Lapierre-Otis. Il s'agit de son travail de fin de maîtrise en arts plastiques à l'UQAC.
Au milieu de ces oeuvres, on a l'impression de se retrouver dans un sous-bois palpitant, de prendre contact avec une nature familière mais que l'on a peut-être tendance à oublier, avec quelque chose qui a trait à à nos origines, à nos racines.
Il y a des estampes, des installations, des collages. La démarche créatrice de Rita Lapierre-Otis consiste à concevoir des motifs et des images à partir de matériaux de base tels insectes, animaux, végétaux, feuilles et troncs.
Les estampes rehaussées de traits à l'encre ou au crayon, les plus nombreuses, sont représentatives du travail de l'artiste sur la répétition, sur la série qui s'édifie à travers un ensemble d'unités présentant beaucoup de ressemblances entre elles, mais aussi de notables différences. Ainsi ces ensembles de six, huit, douze ou 54 estampes, ayant pour motifs de base des feuilles ou des rondelles découpées dans un tronc d'arbre, offrent au visiteur l'occasion d'entamer un processus de perception, de comparaison, de détection des détails qui font que, bien qu'intégrée à un ensemble ayant une certaine unité, chaque estampe constitue une oeuvre unique, identifiable par quelques lignes, couleurs, traits qui la distinguent des autres.

On verra par exemple, sous le titre «Tomographie du temps», huit estampes comportant chacune 12 motifs circulaires réalisés à partir de la coupe d'une rondelle de peuplier. Chaque estampe se déploie dans un ton, une nuance de bleu, qui va du très pâle au plus foncé. La feuille séchée sert de motif à deux autres séries d'estampes, intitulées «Stades de développement» et «Nodus cellula», qui elles aussi relèvent de subtiles variations apportées aux éléments d'une même série. Et les feuilles de fougère sont nettement reconaissables dans les 16 grandes estampes de la série «Fougères, espèces communes».
Hors des sentiers battus
Mais peut-être les travaux les plus remarquables sont-ils en réalité ceux qui, hors des sentiers battus de l'estampe, laissent éclater l'imagination et l'originalité de Rita Lapierre-Otis. Par exemple cette série intitulée «Entre le vrai et le faux, les apparences»: des estampes, là encore, mais découpées aux contours de la feuille de «ficus lirata» qui leur sert de matrice.  Littéralement détourées, les onze oeuvres se présentent comme de grandes feuilles brillantes, aux  nuances sombres et profondes, dont le haut se détache du mur, comme si elles gardaient le souvenir de l'épanouissement de la plante. Ou encore  la série «Espèces mutantes», qui comprend 152 dessins-collages de petit format: le dessin est celui d'un insecte représenté à plat, à l'encre noire ou foncée: ses ailes, deux ou quatre, sont formées par des samares (akènes ailés) collées à l'endroit qui convient. L'univers de cette série est plus complexe que celui des estampes: ces corps d'insectes pétrifiés introduisent, subtilement mais sûrement, l'idée de la mort.
Idée davantage explorée dans «L'oeuf fossile», une installation au sol inspirée par  un oeuf d'épyornis (oiseau autruche): l'artiste a modelé en papier cet oeuf d'une espèce disparue au 15e siècle à Madagascar, qu'elle a posé sur un lit de samares placé dans une corolle de carton ondulé. Des épingles à dissection fixent l'oeuf: espèce disparue, vie éteinte, mort, culpabilité (est-ce note faute?) bref, on pense à tout ça en observant cette oeuvre.
Dans les oeuvres de Rita Lapierre-Otis, la réflexion intellectuelle n'est jamais abstraite: elle est au contraire incarnée dans une organisation visuelle et sensuelle de la matière, immédiatement sensible et séduisante. Rita Lapierre-Otis atteint ainsi un autre de ses objectifs: «dépasser mes propres barrières pour communiquer et rejoindre le spectateur».