Un jardin de bois dans la rivière
août 2001
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - Des fleurs rouges ont poussé dans la rivière! Du moins c'est ce que pensent les promeneurs qui s'approchent de l'eau, au bout du sentier situé dans le parc urbain de la Rivière du Moulin à Chicoutimi.
S'ils descendent plus près de cette masse rouge, ils s'apercevront cependant qu'il ne s'agit pas de fleurs, mais de pièces de bois en forme de losange, peintes en rouge et fixées sur des tiges de métal plantées dans le fond limoneux de la rivière. Pourtant, même si ce ne sont pas de «vraies» plantes, elles forment bel et bien un jardin: le Jardin transgénique de l'artiste Andrew Chartier.
En début de semaine, avec l'aide de quelques artistes du centre Espace Virtuel, qui présente l'installation in situ, celui-ci plantait dans la rivière les quelque 2000 pièces qu'il a taillées, peintes et polies une à une, dans son atelier, pendant plus d'un an. Avec du bois de cèdre récupéré à même les meubles qu'il avait fabriqués. «En privilégiant un lent procédé de fabrication qui compte au moins cinq étapes, j'ai voulu passer beaucoup de temps en atelier pour retrouver le sens du geste répétitif et quotidien sur lequel est basé le processus créatif», nous expliquait-il en entrevue.
Ces formes qui font penser de loin à des fleurs sont en quelque sorte un trompe-l'oeil pour le visiteur qui s'approche et découvre qu'il s'agit non pas de plantes mais de pièces fabriquées par l'homme. Ainsi l'artiste pose-t-il, dans un contexte public, la question du vrai et du faux, de l'artificiel et du naturel, de l'organique et du minéral. Mais il ne donne pas de réponse: il soumet sa création, empreinte d'une certaine poésie, à l'observation, à la réflexion du visiteur.
Et si l'oeuvre n'est pas végétale, organique, elle est vivante d'une autre façon: dépendante du lieu où elle se trouve, elle est sensible au vent, à l'eau, aux éléments naturels et humains, qui peuvent la modifier et même la détruire. C'est le deuxième lieu où Andrew Chartier plante son Jardin transgénique: la première fois, c'était à Rouyn Noranda, dans un parc botanique: les «fleurs» étaient donc placées en un groupe compact formant un motif quasi géométrique, comme ceux qui constituent les autres parties du jardin.
A Chicoutimi, elles sont plus dispersées et partagent leur assise avec les roches, les insectes, les vraies plantes aquatiques et les caprices du courant qui forment des motifs variés au fil de l'eau. Et si l'oeuvre est présentée ailleurs, ce sera encore très différent: les pièces sont comme des coups de pinceau, une matière toute prête avec laquelle il faut capter l'esprit d'un lieu. «Il faut surtout éviter de tomber dans la facilité, s'assurer que l'oeuvre va chaque fois prendre une nouvelle vie», précise Andrew Chartier.
Originaire de l'Estrie, celui-ci s'est d'abord intéressé à la photographie puis à la sculpture, et enfin à l'installation, qui correspond particulièrement bien à ce qu'il veut exprimer. Il aime créer des oeuvres en mouvement, auxquelles il intègre parfois la technologie et la vidéo, comme par exemple un ensemble d'objets bougeant autour d'une vieille laveuse, ou encore, une source lumineuse qui se déplacera sur 360 degrés, élément principal d'une oeuvre à laquelle il travaille actuellement.
Détenteur d'un baccalauréat en beaux-arts de l'Université Bishop à Lennoxville, il entreprendra à l'automne des études de maîtrise à l'UQAM.