Frédéric Laforge

Images dérangeantes et culture populaire
mai 2001

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - Fils d'un père dessinateur (Jean-Marie Laforge, ancien caricaturiste au Quotidien), Frédéric Laforge dévorait les bandes dessinées quand il était jeune, il en composait aussi et pensait à devenir bédéiste. Puis la création en arts visuels dans son sens large l'a attiré et il s'est inscrit au bac en arts à l'UQAC.
«Je me suis aperçu que deux thèmes sont toujours présents dans mon travail: celui du tabou, touchant le corps dénaturé par des attaques physiques, la maladie, la mutation, la guerre, la perversion, et celui de la culture populaire, du kitsch, aussi bien celui des films hollywoodiens que de la bande dessinée». Pour son projet de maîtrise, il a donc décidé de faire délibérément cohabiter et interagir ces deux univers, dans des peintures et peut-être aussi en explorant d'autres techniques, telles photo, sculpture, vidéo. C'est en somme son «plan de match» pour l'année qui vient.
Ses références picturales lui viennent des créateurs allemands  Sigmar Polke et Martin Kippenberger, et de l'Américain Jean-Michel Basquiat, auxquels il emprunte la notion de dualité plastique, suggérant à la fois le contraste et les similitudes entre deux univers. Le premier est celui des «sujets futiles issus de la culture populaire, comme Rocky, le capitaine Cosmos, les marques de commerce ou encore les vieilles voitures ou les stars de la porno», icônes dessinées avec ironie qui renvoient au ridicule de la civilisation et au poids du consensus social.
L'autre univers, c'est une scène épurée, en général à un seul personnage, évoquant un événement dramatique comme une scène de guerre, de torture ou une image sexuellement explicite représentée de façon réaliste.
Cette dualité doit être résolue par différentes astuces, telles des formes, des couleurs, des entrelacements de motifs qui assurent la communication entre les deux réseaux d'images. De plus, le mélange de médiums vifs et nets comme l'acrylique à des matières diffuses comme le goudron assure la dualité des techniques qui reflète celle des thèmes. Sensible à la fois au dessin et à la matière, l'artiste peint sur une toile cousue ou sur une planche, y gravant un dessin qu'il remplit ensuite au goudron, ce qui produit un effet de saturation. Le goudron est parfois utilisé pour «salir» le fond de la toile.
Frédéric Laforge dit qu'il cherche à produire des tableaux qui se lisent rapidement et produisent un effet coup de poing. Il se constitue à cet effet une banque d'images, à partir de recherches sur Internet, dans des ouvrages de photojournalisme, les livres d'histoire de l'art, les dictionnaires de médecine. Le dictionnaire de la contestation «Un siècle rebelle», publié par Larousse, est entre autres devenu pour lui un précieux outil de référence.