Michael Snow

Hologrammes: la passion d'un artiste engagé
avril 1997

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - Les quelques chutes de neige survenues ces jours derniers avaient peut-être pour but de souligner le passage au Saguenay dans la région de l’artiste Michael Snow. Tous ceux qui suivent un peu l’actualité ont sans doute entendu parler de lui à un moment ou l’autre de la semaine, et selon un article paru dans le Devoir jeudi, c'était une chance extraordinaire pour la région d'accueillir Michael Snow, cet artiste-culte multidisciplinaire canadien, qui expose en ce moment même à Paris et qui sera bientôt à Barcelone et à New York. Il présentait donc une exposition, un concert et un film, dans le cadre d’un événement organisé sous les auspices de la galerie Séquence et baptisé Sonde de Snow. Il repart aujourd’hui après un séjour d’une semaine dans cette région où se trouve, comme son nom ne l’indique pas, une part importante de ses racines (voir autre texte en page B-3).
Nous l’avons rencontré donc, à la galerie, où il installait cette superbe exposition qui se poursuit jusqu’au 11 mai. Il a  puisé dans sa production depuis 1970 en fonction de l’espace disponible à Séquence, et notamment des deux salles bien distinctes. Dans l’une, il propose des hologrammes, qu’il faut regarder dans une demi-pénombre, et dans l’autre, plus éclairée, des photographies et des toiles.
Si ce n’est pas le cas pour tous les artistes, Michael Snow est le meilleur guide possible pour cette exposition: il parle de son travail avec passion et précision à la fois. Sa fascination pour l'hologramme, cette image en relief qui donne l’illusion d’une extrême profondeur et qui pourtant, tient sur une surface aussi mince qu’une feuille de papier, l'a incité à explorer ce médium.

Et dans une perspective de création autant que d'expérimentation: au-delà des exigences techniques du procédé, qui consiste à diriger de brèves pulsations de rayons laser vers un sujet et ne peut être réalisé que dans des laboratoires spécialisés, l'artiste avait quelque chose à dire. Là comme ailleurs, Michael Snow évoque un sujet de façon figurative, et en même temps, il parle de l'art, de son sens et de ses limites. Une idée essentielle, c'est le rôle actif joué par le spectateur dans l'oeuvre d'art: les mouvements du regard et du corps se combinent à ceux de l'oeuvre pour créer des instants uniques. C'est pourquoi Michael Snow traite avec attention le support de l'oeuvre: cadre, boîtier ou autre. L’un de ces hologrammes est placé dans une boîte rectangulaire en verre haute d’environ trois pieds: il faut la regarder par le dessus, et on voit alors, exactement comme si on se penchait au-dessus de sa tête, une jeune fille: on aperçoit, au plus près, ses cheveux, puis, de plus en plus loin du regard, ses épaules,  ses mains, ses jambes. Dans l’une de ses mains, elle tient un miroir, auquel fait écho un miroir posé par terre, devant la boîte de verre. Un autre hologramme propose, en gros plan, plusieurs visages de gens dont le regard est tourné vers le haut: «ils regardent quelque chose qui est à l’extérieur du tableau, mais personne ne sait ce que c’est» explique l’artiste, qui trouve encore là une façon de poser des questions sur l’art.
Dans l’autre salle, il propose un ensemble intitulé «Still Living», qui comprend neuf oeuvres, faites chacune de quatre petites images photographiques imprimées sur une feuille de papier blanc. Chacune de ces images est une sorte de nature morte (still life), mais une nature morte vivante si on peut dire, qui réunit des objets, familiers ou non, tels aliments, vêtements, miroirs, ustensiles, articles de chasse et de pêche. Complexe et précise, la composition joue avec l’agencement, le contraste, la dimension et les échelles, pour raconter une histoire. Une histoire que va recomposer à son tour le spectateur.
Le tableau intitulé «Over the sofas», représente des lingots d’or peints à l’acrylique sur un mur blanc: au bas de la toile est imprimée une photo montrant un sofa placé devant un mur blanc. «Le tableau devrait se trouver sur le mur, mais le mur est vide. Il y a ces lingots d’or qui font référence au commerce, à l’argent. J’ai aussi voulu mettre en parallèle les qualités propres des deux médiums, la peinture et la photo. La peinture se fait par l'application de couches successives, très nombreuses dans le cas de ce tableau, tandis qu’une photo se réalise en un instant. La notion de durée est très différente d’un médium à l’autre».
Toujours en recherche, Michael Snow va, depuis ses débuts, d'une discipline à l'autre: musique, photo, peinture, sculpture, film, écriture. «Parfois j'ai peur de m'éparpiller, mais en même temps, je ne peux faire autrement: quand je crée, il me vient toujours des idées qui demandent à être explorées par un autre médium. Je crois qu'il est trop tard pour changer, et d'ailleurs j'ai fini par accepter d'être comme ça», dit-il, avec cet humour très «british» qui pointe aussi bien dans ses propos que dans ses oeuvres.