Au-delà de l'image photographique
mars 1996
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - Richard Baillargeon expose pour la troisième fois en 10 ans à la galerie Séquence. La principale différence entre cette exposition et les précédentes qu'il a présentées, dans la région et ailleurs, c'est qu'il s'est intéressé cette fois à un univers qui lui est proche, intime.
«Mes précédents travaux abordaient plutôt le voyage comme prétexte à une exploration du texte et de l'image», dit l'artiste. Il ajoute que cette exposition intitulée «Champs/la mer», qui se poursuit à Séquence jusqu'au 31 mars, comporte aussi des similitudes avec les autres, marquant la continuité dans sa création: par exemple l'association entre le texte et l'image et l'expression d'une recherche qui veut montrer plus que l'image.
L'exposition comprend d'abord des photos en noir et blanc de deux formats, grand et petit, dont les cadres sont sont tous d'une taille égale, beaucoup plus grande que l'image. Le découpage de chaque photo inclut le contour du négatif, ce qui donne un fort contraste avec le passe-partout blanc qui est placé tout autour. L'artiste a aussi conservé les imperfections de certaines photos, contour flou de certains objets ou reflet de la caméra lorsque que le cliché a été pris à travers une vitre. «Comme pour les contours de négatifs, c'est une façon de montrer les limites du procédé photographique, qui prennent de l'importance quand on fait un travail de recherche et de création» dit-il.
Ces images représentent des paysages, la mer et les nuages souvent, ou des portions de lieux naturels, pentes escarpées, rochers, ou encore des objets familiers, chaise au milieu d'un jardin, échelle posée contre un arbre, notamment.
L'une de ces photos montre le dessus d'une cuisinière où se trouvent quelques casseroles et une bouilloire dont s'échappe la vapeur, le tout placé devant une fenêtre. On pourrait la croire différente des autres, mais Richard Baillargeon lui assigne plutôt le rôle de phare: quasi-nature morte, elle guide immédiatement l'esprit vers le concept d'intimité. La photo voisine montre quant à elle un éclair qui se déploie au-dessus d'un lac, la nuit, faisant ainsi exécuter à la pensée un mouvement de l'intérieur vers l'extérieur.
Ces photos sont regroupées par deux, certains «couples» étant disposés de chaque côté d'un troisième cadre, de même dimension, où est inscrit, en noir sur blanc, un texte de trois lignes. Un peu dans le style du haïku, le texte se veut une courte proposition ajoutant le point de vue humain à ces images qui mettent plutôt l'accent sur les objets.
L'exposition est complété par un grand album contenant d'autres photos et d'autres textes. «En feuilletant cet album, le visiteur s'approche davantage de l'oeuvre, souligne Richard Baillargeon, il peut la toucher en quelque sorte». Tout cela imprime aux sens et à l'esprit du visiteur un mouvement de balancier, un incessant aller retour entre le proche et le lointain, entre l'intime et le public, entre la fermeture et l'ouverture.
Après avoir travaillé la photographie pendant plusieurs années, Richard Baillargeon s'intéresse de plus en plus au film. «Pas au cinéma, mais aux images qui bougent, au texte qui est parlé plutôt qu'écrit», dit-il. Sa recherche actuelle devrait se concrétiser par la réalisation d'un court métrage. Natif de Lévis, il est membre fondateur du centre de diffusion VU de Québec et directeur du Centre de sculpture Est-Nord-Est à Saint-Jean-Port-Joli. Il a exposé à maintes reprises au Québec et à l'étranger, et vit maintenant à Saint-Michel de Bellechasse.