Paysages désertiques et habités
janvier 2001
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - L’exposition «Terres austères», du photographe Richard Baillargeon, présentée à la galerie Séquence jusqu’au 4 février, conduit le visiteur vers des paysages désertiques mais non pas désertés. Ces paysages en noir et blanc, dont les éléments ont en général des contours très nettement découpés, n’ont pas été photographiés dans leur état naturel. Ils ont été composés, retouchés, assemblés au moyen de dioramas qui permettent la superposition d’éléments imaginaires ou encore qui ne vont pas naturellement ensemble.
L’exposition occupe le hall d'entrée et deux salles de la galerie. Elle est disposée en ensembles de deux, trois ou cinq photos, et les photos de chaque ensemble sont de format identique, grand ou petit, en général carrées.
Mais il y a une exception: une photo, seule, intitulée «L’ombre», représente une lampe posée sur une table, ainsi qu'un un cendrier, un fauteuil, et peut-être un genou humain. C'est sans doute celle qui éclaire le mieux, littéralement, le sens général de l'exposition, car elle met en valeur le contraste entre ombre et lumière, comme toutes les autres pièces de l'exposition et comme c'est toujours le cas en photographie.
Ce contraste renvoie, d'une oeuvre à l'autre, à d'autres oppositions, par exemple entre entre monde sauvage et monde urbain, entre paysage intérieur et extérieur. Les photos de paysages laissent voir par exemple des arbres morts et parfois déracinés, isolés au milieu d’une plaine désertique, des horizons dénudés, des étendues d’eau d’un calme inquiétant, des jungles ou forêts immobiles aux essences bizarres.
Mais ce qu’on remarque davantage, ce sont les photos qui évoquent des dinosaures: évoquent, car il n’y a pas de représentation à proprement parler. Il y a une de ces photos dans chaque ensemble: se détachant sur l'image de fond, par exemple une terre sablonneuse ou un paysage à l’horizon dégagé, on aperçoit des squelettes, le plus souvent des parties de squelettes de dinosaures ou d’oiseaux préhistoriques.
On sent bien qu’ils n’appartiennent pas aux paysages sur lesquels ils se détachent: sur une des photos, par exemple, on aperçoit seulement la queue et la partie arrière de deux animaux qui sont littéralement en train de sortir du paysage.
Dans plusieurs ensembles est également placée une photo d’intérieur représentant mur et mobilier d’un endroit dénudé, insignifiant, probablement une chambre de motel de troisième ordre.
L’artiste nous convie donc à décoder ses images factices, composées de toutes pièces à partir d’éléments réels, soit les fossiles du Musée Tyrrel de Paléontologie en Alberta, et les paysages environnants où ces objets ont été trouvés. Le réel devient en l’occurrence simulacre, faux-semblant qui propose aux yeux du visiteur un univers de paysages délavés, d’êtres et d’objets qui semblent issus d’un autre monde mais qui rejoignent pourtant le monde réel et habité d’aujourd’hui. L’inquiétante immobilité de toutes ces images se propose comme l’envers de cette agitation perpétuelle, sans objet précis, qui est le lot quotidien de la plupart des gens, et peut entraîner une réflexion critique sur notre mode de vie.
Richard Baillargeon vit à Québec, où il est engagé dans divers domaines de la gestion, de la diffusion, de l’enseignement et de l’organisation d’événements en arts. Ses oeuvres ont fait l’objet de nombreuses expositions au Québec, au Canada et à l’étranger, et se retrouvent dans des collections de plusieurs institutions publiques.