Marc Garneau

Alchimie du feu et du bois
février 2001

par Denise Pelletier

JONQUIERE(DP) - L'exposition «Les années de feu», consacrée aux oeuvres de Marc Garneau, est l'une de celles qu'il faudra voir cette année au CNE. D'autant plus qu'elle est très accessible, puisque plusieurs formes abstraites peuvent aussi être perçues comme des éléments figuratifs qui, associés aux titres, permettront au visiteur de se retrouver en terrain connu.
L'aspect le plus intéressant de ce travail, c'est le dynamisme et la puissance qui se dégagent de chaque oeuvre. On peut littéralement lire, en observant une toile de Marc Garneau, la description du combat dont elle est le résultat. Les traces de la lutte entre le feu et le bois, de la combustion arrêtée (parfois par l'eau ou la neige!) au moment précis où le tout risquait de disparaître, des interventions graphiques, des collages, de l'adjonction d'objets, bref de la gestation de l'oeuvre donnent à chaque composition un impact visuel incomparable.
L'imagerie qui résulte de ce jeu avec la matière évoque des lieux, des situations, des événements et des sentiments perceptibles par tous. «Amalgame I et III» pourraient évoquer des traces de vie animale sur la neige, «Plomb supérieur» un insecte flamboyant, «Lubie» un vaisseau spatial. On peut discerner dans «Translation II» une sorte d'animal de pierre et de bois, dans «Gerçure II» un humain sans visage et dans «Gerçure  III» une tête d'extraterrestre ou encore un coeur gris gravé sur une pierre noire.

Finalement, chez Marc Garneau, l'imagerie, la matière et le geste se combinent pour parler au visiteur de disparition, de naissance, d'imaginaire, de rites. De la vie et de la mort en somme. Sans oublier la beauté fulgurante de certaines oeuvres, comme «Disjonction», «Tumulus II», «In memoriam XIII» et «Le passage».
Rencontre
L'exposition, qui comprend 46 pièces, constitue une rétrospective des cinq dernières années de travail de Marc Garneau, pendant lesquelles il a, littéralement, joué avec le feu. Rencontré sur les lieux quelques minutes avant le vernissage, l'artiste nous expliquait que, travaillant jusque-là le bois, le métal, le collage, les techniques mixtes, il a eu un jour l'idée de brûler au fer rouge une portion de la surface de bois sur laquelle il travaillait et d'intégrer le résultat à sa création.
Il a alors décidé de pousser le plus loin possible l'exploration du feu. Les circonstances s'y prêtaient puisqu'il venait, à la faveur d'un déménagement à la campagne, de prendre possession d'un grand atelier où il pouvait travailler aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.
Tel un alchimiste, il a tout appris des techniques du feu, mitraillant les surfaces de contreplaqué au lance-flammes, ou marquant de fines brûlures du papier marouflé. Sans négliger les autres matériaux, tels acrylique, cendre, gomme laque, fusain, graphite, vernis et cire, avec lesquels il effectuait des interventions. Sans jamais perdre de vue les principes qu'il avait adoptés: travail en deux dimensions, non-répétition des motifs ou des techniques, ouverture à ce qui se passe lors de la préparation, expérience évolutive. L'aspect très physique, et même dangereux de ce travail devenait une sorte de rituel d'où naissait la réflexion, où se décidaient les interventions, les gestes, les couleurs, les titres des oeuvres.
Il a ensuite, avec l'aide du commissaire Laurier Lacroix, monté cette exposition rétrospective, qui a été présentée en Montérégie l'automne dernier, et qui, après le CNE, sera présentée à St-Jérôme en mai et juin, et éventuellement dans d'autres galeries.
Originaire de Thetford-Mines et vivant maintenant à Montréal, Marc Garneau a, disait-il, des liens privilégiés avec le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Non seulement il a remporté le Grand prix de la Biennale du Dessin, de l'estampe et du papier-matière du Québec, à Alma en 1997, mais il a participé à chacune des cinq éditions de la Biennale. De plus, il a présenté sa première exposition solo à Chicoutimi, à la Galerie Espace Virtuel, en 1985.
Depuis, il a réalisé plus de 30 expositions individuelles, au Québec et en Europe, et participé à près d'une centaine d'expositions de groupe. Ses oeuvres font partie des collections des principaux musées canadiens et de plusieurs grandes entreprises.