Chantale Boulianne

Le sport inspire une démarche artistique
avril 2000

par Denise Pelletier

JONQUIERE(DP) - Un curieux parcours que celui de Chantale Boulianne, qui propose au CNE jusqu'au 7 mai une exposition intitulé «Objets témoins d'une vie de kamikaze». Il s'agit du projet réalisé dans le cadre de sa maîtrise en arts à l'Université du Québec à Chicoutimi.
Ce qui est particulier, c'est que ce travail de création est étroitement lié à une activité importante pratiquée par Chantale Boulianne, et qui n'a en principe rien à voir avec l'art: le sport. Pendant sept ans en effet, cette jeune Baieriveraine a fait de la compétition en vélo de montagne, devenant rapidement une vedette de ce sport où elle a remporté nombre d'épreuves, de médailles et honneurs, victoires qui furent régulièrement signalées dans les pages sportives du Progrès-Dimanche et du Quotidien.
L'automne dernier, après une année pénible marquée par une chute et des difficultés à trouver des appuis, Chantale Boulianne annonçait qu'elle abandonnait la compétition en vélo de montagne pour se tourner vers les arts et terminer sa maîtrise en design à l'UQAC. Elle a d'abord, signale le texte de présentation de l'exposition, cherché à traiter le thème sportif en intégrant des cyclistes en action dans ses oeuvres picturales, mais elle demeurait insatisfaite du résultat.
Jusqu'au jour où elle a compris que, pour projeter dans ses oeuvres toute la dynamique physique et mentale de la compétition cycliste, elle devait partir de l'intérieur, de ces sensations, vibrations, émotions ressenties en descente, et les laisser la guider dans son processus créateur.
Ainsi les oeuvres qu'elle présente au CNE associent étroitement les éléments de l'univers intérieur du cycliste de compétition tels que vitesse, ivresse, recherche d'équilibre, douleur physique, joie de la victoire, déception de l'échec, à l'esthétique du vélo de montagne.
Sept lampes servent de leitmotiv et de fil conducteur à l'exposition: suspendues au plafond par un fil métallique, elles sont faites d'un support de métal recouvert d'un maillot de compétition que l'artiste a réellement porté au cours de sa carrière sportive. Le maillot, enfilé sur le support métallique comme un chandail sur un cintre, couvre donc la source de lumière et la dirige vers le bas, vers son ouverture. Comme ces maillots sont plus longs derrière que devant, cela a pour effet de projeter la lumière de biais pour lui permettre d'éclairer un texte ou une oeuvre: une idée que l'on pourrait qualifier de «lumineuse».
L'exposition comprend d'autres objets de design inspirés par l'esthétique du vélo. Par exemple, une chaise longue semblable à un hamac reposant sur une base berçante: cette base est en bois tandis que le «matelas» est fait de chambres à air de vélo tressées comme de l'osier. Plus loin, on peut voir trois bancs triangulaires, dont le siège est également formé par des chambres à air de vélo tressées, suspendus par des sangles comme des balançoires. Il y a aussi un banc triangulaire rouge qui évoque une selle de vélo, fiché sur une tige de métal. Celle-ci repose sur un socle en bois dont le dessous est arrondi, ce qui ferait éventuellement agiter et lalancer le banc dans tous les sens. Autrement dit, la personne qui y prendrait place devrait déployer des efforts incessants pour trouver l'équilibre et lutter contre le vertige, exactement comme on le fait sur un vélo de compétition. L'exposition comprend aussi quelques lampes moins directement inspirées du vélo, sauf pour un système de manettes et de câbles qui permet d'ouvrir l'abat-jour.
Pour bien faire comprendre l'origine de son inspiration, Chantale Boulianne a ajouté aux oeuvres quelques photos d'elle-même à vélo, des extraits du journal personnel qu'elle tenait au moment des compétitions et un texte sur la recherche de l'équilibre à vélo. Le visiteur peut également voir, projetées au mur, des images montrant l'environnement sonore et visuel d'un cycliste en descente: bruits du vent, du sol, des arbres, visions de roches, de terre, de creux, de bosses, d'obstacles à contourner.
C'est donc un travail intéressant que propose Chantale Boulianne. Bien que son propos soit circonscrit à une seule thématique qui a peut-être entravé à certains moments le processus créateur plutôt que de le stimuler, elle a entre autres le mérite de réunir, pour une rare fois, l'art et le sport dans une salle d'exposition.