Denis Farley et François-Marie Bertrand

Paysages et pastilles pour guider le regard
septembre 1999

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - La galerie Séquence présente, comme première activité de la rentrée, deux expositions fort différentes l'une de l'autre. Alors que Denis Farley propose des images figuratives, François-Marie Bertrand opte pour une esthétique de la forme et de la couleur qui sollicite directement la capacité de réflexion.
La proposition de Denis Farley, un artiste qui vit et travaille à Montréal, s'intitule «Paysages étalonnés». Elle comprend sept images photographiques de grandes dimensions, représentant des paysages urbains, autoroute, centrale électrique, gare de triage, ou des sites rendus à la nature après l'abandon d'une mine ou d'une usine.
Dans chacune de ces photos, il se met en scène: on le voit de dos, revêtu d'un costume à damiers rouges et blancs, ce qui permet d'établir une échelle de mesure. Cet élément déconstruit absolument la perception que l'on pourrait avoir autrement de ces photographies: la présence de cette silhouette, de ces couleurs, oblige le spectateur à comprendre qu'il ne s'agit pas d'une simple représentation, mais d'un travail de calibrage, comme le dit l'artiste.
Au lieu alors de regarder simplement l'image, on se met à chercher la silhouette familière, un peu comme dans ces livres pour les jeunes où il faut chercher le personnage de Charlie. Similitude d'autant plus forte qu'en plus du personnage en rouge et blanc, chaque photo contient un ou des éléments qui sont aussi de la même couleur, et qui eux demandent une recherche visuelle un peu plus attentive. Cela peut être un phare dans «Signalisation maritime», des cheminées de centrale électrique, le côté d'un conteneur, une petite pancarte dans «Don Valley», ou même le reflet dans l'eau du personnage costumé.

De plus, à cause du costume, le photographe peut être assimilé à un clown, ce qui accentue le côté ludique de son travail, comme s'il voulait désamorcer l'emprise mentale des structures gigantesques édifiées par l'homme.
Bref, on se prend à regarder tout autre chose que le sujet de la photo, et c'est bien là le but poursuivi par l'artiste: mettre en relation un paysage, le plus souvent une structure technologique, et une présence humaine standardisée, qui évoque l'échelle du géomètre ou encore ces fanions qui  indiquent la force et la direction du vent. Ce qui provoque, chez celui qui regarde, l'idée de faire appel à ses propres systèmes de mesure pour comparer l'être humain, représenté par cette petite silhouette qui ressemble à celle d'un clown, à l'environnement gigantesque qu'il a lui-même construit.

François-Marie Bertrand
L'artiste François-Marie Bertrand, Chicoutimien d'adoption, présente pour sa part une exposition intitulée «Séquences». Le dépouillement des cercles bicolores alignés sur les murs de la salle contraste avec le foisonnement d'éléments visuels sur les photos de Denis Farley.
Cependant, le but poursuivi par les deux artistes n'est peut-être pas si différent: dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de guider le regard, de lui faire effectuer un parcours de l'extérieur vers l'intérieur en lui proposant des sujets de réflexion et d'interrogation. François-Marie Bertrand aligne donc des cercles au mur: par groupe de six, ayant pour la plupart une surface blanche et une tranche de couleur, il se présentent comme de gros points entre lesquels le regard cherche à construire des liens.
Les lignes que ces points dessinent, le rythme du déplacement de l'oeil, les effets des couleurs agissant l'une sur l'autre: tout est question de perception, et dans une certaine mesure de subjectivité. Ces pastilles, degré zéro de la peinture, immobiles et sans éléments représentatifs, renvoient aux images colorées et animées captées par Denis Farley, comme autant de points d'interrogation sur les rapports entre la peinture et la photographie.