Les mouvements de l'art... au fond de l'eau
septembre 1998
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - L’eau possède des propriétés physiques particulières qui altèrent notre perception des objets qui s’y trouvent: on peut donc dire qu’elle possède aussi des propriétés psychiques. L’artiste Martial Després explore dans son travail certains aspects de cette fascination que l’eau exerce sur l’être humain. Il présente à Espace Virtuel un «work in progress» intitulé «Question de fonds», qui connaîtra son point culminant et sa période la plus interactive ce soir même ... à la piscine du Cégep de Chicoutimi à compter de 20 heures.
Le public pourra en effet voir, au centre de la piscine, le module construit par Martial Després au cours des semaines précédentes, qui comprend des éléments de verre, de l'eau et de la lumière. Les visiteurs pourront se baigner dans la piscine pour observer l’oeuvre tout en expérimentant les altérations de perception dues à l’eau, comme la réfraction qui casse les lignes, la pression qui agit sur le corps et le silence total qui isole du monde extérieur.
Il y aura même des «plongeurs», triés sur le volet en quelque sorte. Martial Després a en effet choisi et invité des spécialistes en art et des créateurs, notamment Lise Gauthier et Guy Sioui-Durand, à revêtir l’attirail du plongeur et à se promener autour de l’oeuvre. Par un système de communication audio, ils pourront livrer leurs impressions et observations, et répondre aux questions posées par Martial Després et par les personnes présentes.
Comme la plongée est réservée à un petit groupe choisi à l’avance, qui aura d’ailleurs reçu une formation lui permettant de faire cette expérience, la question de l’accès à cette oeuvre sera posée: est-elle, comme les installations de «Land Art» auxquelles elle s'apparente, réservée à une élite, à des privilégiés?
Toute l’expérience sera filmée et les images seront diffusées lors du vernissage, prévu pour le 1er octobre, alors que l’oeuvre de la piscine sera installée au centre Espace Virtuel. Rencontré à la galerie, Martial Després mentionnait qu’il s’agit d’un «work in progress», soit d'un travail présenté dans chacune de ses étapes, par opposition à une résidence d’artiste qui se concentre sur une partie seulement du processus créateur.
La réalisation de l'oeuvre a commencé il y a un mois par un séjour d'une semaine aux abords du cratère du Nunavik, dans le nord du Québec. Il s’agit d’un trou créé il y a plusieurs millions d’années par une météorite: la cuvette de 3.6 kilomètres de diamètre s’est remplie d’eau au cours des siècles, une eau très claire, très froide, et peuplée d’une seule espèce de poisson, l’omble chevalier.
Ce milieu illustre deux idées que veut traiter Martial Després: les origines et la survie. Les origines de cette cuvette sont connues et identifiables, et c’est un milieu autosuffisant, qui a dû assurer sa propre survie puisqu’il n’est relié à aucun cours d’eau.
Lors de son séjour, Martial Després a pris une série de photos du sol pierreux et de la cuvette elle-même, entre autres des photos aériennes à l'aide d'une caméra installée sur un cerf-volant, et des photos sous l’eau avec une caméra étanche jetable. Ensuite, il a trié et assemblé ces photos pour composer la première oeuvre de son installation, une mosaïque de photos qui redessine un terrain et un bassin d’eau aux contours arrondis, tableau accroché au mur du fond quand on entre dans la galerie Espace Virtuel.
Par terre, il a posé un module issu de son travail sur les propriétés de l’eau: un cube transparent qui contient de l’eau, dans lequel est plongée une bouteille de verre qui contient, elle, une chandelle dont la flamme demeure allumée grâce à une utilisation adéquate des principes physiques qui régissent l’interaction entre eau, air et feu.
Natif de Trois-Rivières où il a commencé sa carrière de créateur, Martial Després s’est installé à Chicoutimi pour y poursuivre une maîtrise en arts plastiques à l’UQAC.