Carl Bouchard

Le corps pour Se voir en amour
septembre 1998


CHICOUTIMI(DP) - Pour l'exposition «Se voir en amour», Carl Bouchard présente, dans les trois salles de la galerie Séquence (jusqu'au 16 octobre), un travail qui témoigne d'une recherche sur le corps, l'identité, le moi. Recherche qui se matérialise en oeuvres ou objets variés tels photos, montages, compositions, faisant usage de matériaux courants comme le tissu ou le vinyle et de techniques telles l'infographie et l'impression.
Le corps, le corps masculin, est évoqué dans plusieurs d'entre elles, de façon réaliste dans la salle du fond, où on trouve un autoportrait qui donne son titre à l'exposition «Se voir en amour»: deux photos en noir et blanc de l'artiste, corps dédoublé et dénudé, l'un chevauchant les épaules de l'autre par insertion d'une image dans l'autre. Et, par terre, à l'entrée, un tapis crocheté représente aussi l'artiste, corps étendu sur le dos sur lequel on doit marcher pour entrer dans la salle.
Déjà se crée un réseau de connotations: corps masculin, virilité, masculinité. Qui s'étend ensuite vers les matières souples et prend un aspect moins directement figuratif. Tout d'abord le cuir: une veste de cuir posée par terre près d'une poubelle, partie d'une oeuvre intitulée «Belle de jour». Au fond de la poubelle, une petite plume est posée sur un miroir qui réfléchit une toile fixée au-dessus, au plafond, représentant une main, paume ouverte. Les lettres dessinées sur chaque doigt de cette main forment le mot «sexes».

Autre matière: le vinyle. L'oeuvre «Un cabinet d'amateurs» comprend 64 «boîtiers entomologiques», chacun enfermant un sac de plastique en forme de coeur, transpercé d'une paille, complètement ou partiellement gonflé, et laissant voir un échantillon de liquide (vin) séché. On ajoute donc au réseau déjà en place les idées concernant l'intérieur du corps, la circulation des fluides et des humeurs.
C'est encore confirmé dans la salle du centre, entièrement occupée par de grands draps blancs suspendus à des cordes à linge métalliques soutenues par des poulies. Sur chacun de ces draps a été imprimée une petite image aux tons neutres, qui semble formée à partir d'un liquide que l'on aurait fait couler sur le  tissu. L'image, qui occupe une toute petite portion de la surface blanche, évoque elle aussi des humeurs ou des parties du corps: fesses, épaules, pénis, mais d'une façon indirecte, incertaine, comme si elle avait été constituée par hasard. Hasard démenti (ou appuyé?) par les interventions ajoutées à l'image, marques de crayon et minuscules trous d'épingle construisant une forme circulaire.
Dans la première salle, à l'entrée, il y a deux images infographiques représentant un torse masculin recouvert d'un vêtement de vinyle, qui portent le titre «Qu'arrive-t-il après avoir plu?», ce participe passé pouvant être celui des verbes plaire ou pleuvoir. Puis un bocal à poisson contenant une penture de métal. Et une oeuvre que l'on risque de ne pas voir, faite de feuilles de vinyle transparent collées sur les fenêtres, dans lesquelles des ouvertures longilignes ont été découpées, créant en quelque sorte l'illusion de la pluie, et portant le titre «Un jour mon prince viendra».
Le travail de Carl Bouchard suscite donc nombre de questions, sur le corps, l'amour, le reflet, le narcissisme, l'orientation sexuelle, l'enfermement et l'ouverture, l'objet et le sujet du désir. Des questions auxquelles bien entendu il n'apporte pas de réponse précise, laissant au visiteur le soin de regarder et de réfléchir à toutes ces questions.
Les personnes qui souhaitent discuter avec l'artiste pourront le faire vendredi 25 septembre à midi et dimanche 27 septembre à 14 heures, dans le cadre de rencontres organisées par Séquence à l'occasion des Journées de la culture. Membre du collectif L'Oreille coupée et du groupe de 12 artistes qui occupent une ancienne école dans le secteur Rivière-du-Moulin, Carl Bouchard vit et travaille à Chicoutimi. Certains éléments du travail présenté à Séquence proviennent d'expositions qu'il a tenues à Montréal et en France.