Un parcours entre rythme et lumière
juin 1998
par Denise Pelletier
LA BAIE(DP) - Le peintre Marcellin Dufour a produit au fil des ans une oeuvre d'une grande constance, tout en évoluant avec souplesse d'une étape à l'autre, d'une période à l'autre. C'est ce que l'on peut constater en allant voir la très belle exposition que le Musée du Fjord consacre à ses oeuvres, sous le titre «Parcours», jusqu'au 6 septembre.
La majorité des toiles exposées ont été peintes en 1997, mais quelques toiles plus anciennes, judicieusement choisies, sont placées sur des panneaux au centre de la salle où quelques textes résument sa biographie. Elles suffisent, ces oeuvres plus anciennes, à éclairer le travail qu'effectue aujourd'hui Marcellin Dufour, qui sinon paraîtrait peut-être un peu difficile à comprendre parce qu'il comporte de nombreux éléments abstraits.
On peut s'aider aussi en lisant les titres, toujours descriptifs, que Marcellin Dufour donne à ses grandes toiles à l'acrylique. Les titres font référence au mouvement, à la vie: «Vie et lumière», «Un voyage inoubliable», «Bouillonnement intérieur», par exemple. Et ce sont bien le mouvement, et la lumière, qui s'imposent à l'oeil et à l'esprit quand on regarde attentivement ces toiles. Cela bouge du centre vers l'extérieur, du plus clair vers le plus sombre, en bandes verticales, dans les plus récentes en tout cas. Du blanc éclatant vers un vert forêt sombre.
Couleurs réparties en grandes masses, en formes inspirées de la géométrie mais aussi travaillées, modifiées selon l'inspiration. Et partout, des lignes noires ayant la largeur du pinceau, que l'artiste promène sur la surface, les enroulant, les étirant, les déroulant, leur donnant parfois la forme d'un sapin ou d'une arête de poisson. Cet aspect de la création peut être associé à une forme d'écriture, qui remplace peut-être sur la toile les idées que Marcellin Dufour a effectivement exprimées par écrit au fil de sa vie.
Quelques-unes de ses réflexions, affichées près des toiles, éclairent également le travail de l'artiste. Déjà en 1971, il qualifiait son art de «suggestiviste», terme original et fort approprié pour exprimer de quelle façon les éléments figuratifs sont intégrés au mouvement d'ensemble des formes. Dans les toiles les plus récentes, de petits rectangles blancs illuminent le centre, entourés par d'autres rectangles un peu plus sombres, flottant librement dans l'espace de la toile comme des papiers lumineux, des confettis qui tomberaient à la manière de la neige.
On remarquera notamment un très beau triptyque, intitulé «Voyage marin», parcouru par une bande horizontale que l'on pourrait associer à la Voie Lactée. Et aussi une très grande oeuvre regroupant dix toiles juxtaposées, intitulée «Le temps passe»: les formes se poursuivent de l'une à l'autre et les nuances vont du gris clair au brun-gris en passant par le vert. «La valeur d'un créateur réside autant dans la qualité de sa recherche que dans le produit qui en résulte» a écrit Marcellin Dufour, montrant ainsi qu'après plus de 30 ans de carrière, il n'a rien perdu de son désir d'explorer et de découvrir de nouveaux horizons. Ce qu'il confirme dans une autre phrase, écrite en 1986 et placée sous une toile réalisée dix ans plus tard, exubérante de lumière et de mouvement: «D'une veine à l'autre, la peinture m'entraîne vers ce que je ne connais pas».
Fascinantes aussi sont les oeuvres plus anciennes, comme ces «Glaciers» qui datent de 1987, et «Le dressage d'un chien», de 1983: le blanc et les formes géométriques pures dominent nettement dans ces deux toiles. Ou encore «La chevaleresque», datant de 1980, alors que Marcellin Dufour utilisait la méthode du report photographique pour insérer des éléments figuratifs, ici un corps de femme, dans des ensembles colorés.
Natif de Port-Alfred, l'artiste a vécu à Arvida, étudié à Montréal, puis il est revenu dans la région où il a enseigné et exposé à plusieurs reprises. Il vit maintenant à Sainte-Adèle et depuis quelques années, il se rend régulièrement en Europe, où son oeuvre suscite, nous disait-il juste avant le vernissage, beaucoup d'intérêt de la part des critiques et des collectionneurs. En 1995, le critique d'art québécois Guy Robert lui consacrait un album de prestige comprenant de nombreuses reproductions de ses oeuvres.
Depuis les débuts un peu maladroits jusqu'à maintenant où il a acquis une grande maîtrise du contenu et de la forme, toutes les oeuvres de Marcellin Dufour reflètent une même préoccupation, qu'il exprime ainsi: «Le plus important, pour moi dans un tableau, c'est la vie, la lumière, le rythme».