Faire fructifier l'oeuvre de l'autre
janvier 1998
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - «Fructifications esthétiques», voilà le titre de l'exposition que présente Denis Langlois à Espace Virtuel jusqu'au 1er février. Et le mot fructifications a été soigneusement choisi puisque l'artiste, ainsi qu'il nous l'explique lors d'une visite à la galerie, a travaillé à partir de trois oeuvres existantes.
On pourrait dire qu'il s'agit d'une interprétation personnelle des oeuvres en question, d'une lecture qui s'exprime non pas par des mots, mais par des images qui sont de vraies peintures, des créations originales et non pas des reproductions ou des variations.
«Je voulais sortir de la citation et de la répétition», dit-il. En même temps, il met en lumière le fait que l'artiste ne crée jamais à partir de rien, qu'il s'inscrit forcément quelque part dans l'histoire de la peinture. Il s'est donc intéressé à l'aspect matériel des oeuvres, aux gestes accomplis par les artistes dans l'intimité de l'atelier, plutôt qu'à l'histoire des peintres ou de la peinture.
Sur chacune des trois oeuvres, qui font partie de sa collection personnelle, il a effectué un travail différent en partant de la même technique, celle du frottage: il a appliqué, puis frotté à l'éponge une feuille sur chaque toile, obtenant ainsi des «estampilles» où les reliefs apparaissent sous forme de lignes plus foncées. Puis il a donné à ces lignes et aux tableaux en général des couleurs et un aspect qui sont fonction de sa vision de l'oeuvre originale, c'est ce qu'il appelle la fructification.
Ainsi, dans «L'arbre bleu nuit» de Lauréat Marois, Denis Langlois a vu des éléments d'angoisse et d'espoir, qu'il fait ressortir par un jeu de couleurs et de lignes, dans cinq tableaux différents, intitulés «Bourgeons...», «Feuille froissée...», «Feuille...», «Fruit...» et «Fruit mûr...» chaque titre se terminant par le même segment: «... de l'arbre bleu nuit». Il a aussi légèrement froissé ses toiles dans certaines de leurs parties. Dans le dernier tableau, aux couleurs plus sombres, il a semblé à Denis Langlois que son travail de fructification de l'oeuvre de Lauréat Marois était terminé, puisqu'il revenait au thème angoissé de l'original.
Il s'est mis au travail sur une autre oeuvre de sa collection: «Août» de François Vincent, une toile représentant un couple, femme vêtue d'une tunique transparente, à la fenêtre, et homme nu vu de face, un dessin dans des tons de beige et d'ocre. Dans le coin supérieur droit de la toile, un rectangle en relief offre une forme abstraite colorée. C'est dans cette forme que se concentre toute la sensualité de la toile, on peut y voir la forme d'un vagin, dit Denis Langlois qui, dans trois oeuvres intitulées «Dessins préparatoires», a mis en lumière cette clef de la toile, en faisant ressortir les éléments du rectangle en question et en conservant les contours épurés des objets et des personnages.
Enfin, de la «Suite Roumaine no 1», de Peter Krausz, une fresque à la façon primitive qui laisse apercevoir un paysage dont la moitié inférieure est occupée par un grand espace de couleur orangée, Denis Langlois a tiré des estampilles qu'il a colorées, puis collées sur des formes. Il a combiné celles-ci de façon à former une sculpture évoquant un double torse doté de jambes, sans tête ni bras, et placée dans un coin de la salle.
Natif de Montréal, Denis Langlois est docteur en arts, professeur à l'UQAC, et président de l'Atelier d'estampe Sagamie. Il a participé à plusieurs événements et projets en arts visuels et présenté de nombreuses expositions, en solo et en groupe, dans la région, ailleurs au Québec, au Canada et et en Europe, et ses oeuvres font partie de plusieurs grandes collections.