L'artiste demeure fidèle au bois et à la tradition
novembre 1997
par Denise Pelletier
LA BAIE(DP) - Le sculpteur Victor Dallaire, que tous surnomment affectueusement Vic Dallaire, fait pour ainsi dire partie du paysage baieriverain, avec son atelier planté depuis nombre d’années en bordure du boulevard de la Grande-Baie, indiqué aux visiteurs par une affiche sculptée de ses mains.
Malgré cette longue carrière tout entière consacrée à la sculpture sur bois, les salles d’exposition ne présentent que rarement ses oeuvres. Le musée du Fjord vient cependant de corriger le tir et lui consacre une exposition à la fois complète et significative. Cette grande rétrospective, intitulée «Victor Dallaire, artiste-sculpteur, une vie, un art», comprend une trentaine d’oeuvres réalisées par le sculpteur au cours de sa carrière, des textes explicatifs et un document audio-visuel.
On se rend compte immédiatement en jetant un coup d’oeil à la salle que Victor Dallaire a très vite choisi son camp, auquel il est demeuré fidèle jusqu’à ce jour. Son camp, c’est celui de la sculpture traditionnelle sur bois, réaliste, dont les sujets sont soit religieux, soit profanes, et c'est sans doute ce choix qui l'a tenu à l'écart des salles d'exposition à vocation plus contemporaine.
Fidèle à cette voie du réalisme depuis l’âge de 15 ans alors qu’il a obtenu une bourse pour étudier à l’atelier des frères Bourgault à Saint-Jean-Port-Joli, Victor Dallaire est aussi fidèle à une matière, le bois de pin, qui sert de base à presque toutes les sculptures de l’exposition, et à deux techniques principales, la statuaire et le bas-relief. A l’intérieur de ce cadre, il livre une vision du monde qui lui est bien personnelle et la communication s'établit rapidement entre le créateur et celui qui regarde ses oeuvres.
On reconnaît d’abord son habileté technique, et ce souci du détail qui semble croître avec les années, peut-être au fil d’une progression dans la maîtrise technique. Les oeuvres les plus récentes proposent en effet un travail de surface remarquable, pour montrer le poil d’un ours, les écailles d’un poisson, les différents éléments d’un costume, les détails d'un outil.
Dans le choix des sujets, on reconnaît l'homme qui est près de la nature et qui s'interroge sur les rapports entre celle-ci et les humains. Il illustre souvent l'aspect cruel ou sauvage de ces relations, en montrant des chasseurs et des pêcheurs avec leurs prises, ou des prédateurs en train d'attaquer une proie. Quand il choisit un sujet à caractère social, il en montre fréquemment les aspects les moins glorieux, comme cet humble balayeur ou ce faucheur qui peinent à la tâche ou ce travailleur qui a manifestement mal au dos représenté dans la sculpture intitulée «CSST». Le déluge de juillet 1996 lui a inspiré un grand bas-relief, «La grande vague», où il n'a pas craint d'illustrer les aspects les plus pénibles du drame.
Mais Vic Dallaire a aussi une veine plus paisible, dans ses sujets religieux, statues de la vierge, par exemple, et aussi dans son illustration des activités traditionnelles, comme les bas-reliefs «Le Rouet» et «L'Érablière», d'où se dégage une atmosphère sereine.
Si la plupart de ses surfaces sont accidentées et travaillées, il a fait quelques incursions convaincantes dans un style différent, celui de la grande surface douce et lisse: un cheval berçant pour enfant, un «Balénoptère boréal du Groenland», ou encore une femme, le seul nu de l'exposition, sculpture laquée de teinte pâle aux proportions admirables.
L'exposition qui se termine le 6 septembre 1998, constitue donc une forme de reconnaissance accordée au sculpteur par le musée du Fjord, et Victor Dallaire l'a bien compris, se montrant ému jusqu'aux larmes dimanche dernier, lors du vernissage qui a attiré près de 400 personnes. Ce qui l'a touché, c'est bien sûr le témoignage d'affection que lui rendaient ainsi ses proches et admirateurs, mais aussi le fait de voir, rassemblées au même endroit, des oeuvres qu'il a réalisées en 30 ans de carrière, nous expliquait Benoît Savard, qui a préparé et monté l'exposition. Dès le lendemain du vernissage, Victor Dallaire s'envolait pour la France et la Suisse, où il séjournera pendant quelques semaines pour y faire connaître ses oeuvres.