Religion et sexualité: souffrances et symboles
octobre 1997
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - Bruno Tremblay, jeune artiste de Chicoutimi qui a déjà participé à plusieurs expositions de groupe et actif dans le milieu régional des arts visuels, présente sa première exposition solo à la galerie Espace Virtuel. Sous le titre «Opacité et extase, méditation sur les douleurs intimes», il propose une dizaine de pièces en forme d'icônes dont l'imagerie évoque une association entre le sacré et la sexualité.
Sauf une, donc, ses pièces ont la forme de rectangles allongés dont le sommet est taillé en pointe, rappelant les icônes religieuses. Elles sont taillées dans des panneaux de contreplaqué et leur surface est entièrement recouverte d'une feuille d'acier (tôle) sur laquelle l'artiste a effectué des interventions à l'encaustique pour y créer des lignes, des formes, des dessins. Il a intégré aux oeuvres des photos polaroïd et des moulages de cire. Les teintes dominantes, sur ce fond gris métallisé: noir, gris, blanc nacré, parfois rouge.
L'imagerie associe la croix, le corps ou des parties du corps du Christ, et des évocations tout de même discrètes d'organes génitaux masculins ou féminins. «J'ai effectué beaucoup de recherches sur la figure du Christ, et il m'est apparu que la religion et la sexualité poursuivent le même but, soit une recherche de continuité. Il me semblait donc approprié d'associer les deux», dit-il, ajoutant que la technique, photos polaroïd et moulages de cire effectués rapidement, s'inspire du caractère instantané de la photo, le «ça a été», de Roland Barthes.
Sur chaque icône, dont la forme évoque aussi celle d'une ogive, donc un symbole phallique, une surface de forme carrée ou rectangulaire est délimitée et contient l'image ou les images. Par exemple, sur une des oeuvres, on peut voir des bras droits empilés verticalement, manifestement moulés à partir d'un bras de Christ en croix, surmontés d'un dessin évoquant un utérus vu par échographie. Sur la planche voisine, ce sont les pieds cloués sur la croix qui sont multipliés, associés aux bras en croix et à un croquis représentant un pénis. On peut voir aussi, sur d'autres oeuvres, le haut du corps du Christ, ou la tête multipliée, toujours associés à la croix et aux organes reproducteurs humains.
Une oeuvre diffère des autres: beaucoup plus grande, elle est de forme rectangulaire. On peut y voir un «bouquet» de petites croix.
L'artiste fait remarquer que, par ces images du Christ retirées de leur contexte, il veut proposer au visiteur des éléments de réflexion sur divers sujets, tels les interdits du christianisme, et plus largement de toutes les religions concernant la sexualité. En fait, «l'organisation de la sexualité, nécessairement assortie de règles et d'interdictions, est le fondement de toute société, c'est elle qui régit les rencontres, les relations et les associations entre les individus», dit-il.
Par ailleurs, les interventions à l'encaustique et l'accumulation de cire et de couleurs s'inscrivent comme des marques de suture, des cicatrices, une souillure -et donc une souffrance- inscrite dans la pureté originelle du support.
Natif de La Baie, Bruno Tremblay termine, par cette exposition, son programme de maîtrise à l'UQAC. Il compte, dans un avenir prochain, travailler plus activement au centre d'artistes Espace Virtuel, présenter son exposition ailleurs au Québec, et proposer des projets dans le cadre de l'intégration de l'art à l'architecture. Il a déjà participé à plusieurs expositions de groupe, entre autres «Selon Genet» et «Lieux fétiches, minuscules et curieux» à l'Oeuvre de l'Autre, «A la limite des mots et des images» et «Icône et graphie» au musée Louis-Hémon, il est aussi scénographe et concepteur graphique.