L'éclat orange d'un instant
octobre 1997
par Denise Pelletier
JONQUIERE(DP) - Dans la grande salle du Centre national d’exposition, les oeuvres de Chantale Girard n’occupent pas beaucoup de place. Elles sont rassemblées au centre de deux des quatre murs, et constituent la seule partie éclairée de la pièce plongée dans une relative pénombre, avec, sur le mur du fond, l’inscription du titre de l’exposition, «Il faisait orange...»
Mais ces éléments modestes en nombre et en taille nous plongent immédiatement dans le vif de l’oeuvre, qui se présente donc à la fois comme une exposition de tableaux et comme une installation. Les tableaux sont formés de 104 panneaux ayant environ la taille d’une feuille de papier standard. Ils sont juxtaposés, en deux rangées sur chacun des deux murs, sur deux minces tablettes: sur la tranche de celles-ci court un texte écrit à la main. Un très beau texte d’ailleurs, où il est question d’un couple ayant fait l’amour dans la lumière, de larmes, de sanglots, d’étonnement. Lisible sur ces tranches, le même texte ne l’est plus sur les panneaux, où il est pourtant présent, repris, manipulé découpé, inscrit et inséré de diverses manières dans les matières qui s’empilent en couches successives et interactives: composé cellulosique, vernis acrylique, gouache, collage, crayon, pastel, encre. Le fini, brillant, laisse entrevoir ces multiples couches, qui à la fois cachent et révèlent le texte.
Le nombre des couleurs est limité, bleu, rose, jaune. Toutes vives, ces couleurs se retrouvent sur plusieurs panneaux voisins. Sur un des ensembles, un rouge orangé flamboyant domine nettement au centre, couvrant au moins une vingtaine des 52 panneaux, et renvoie très nettement au titre de l’exposition «Il faisait orange...»
Cette installation constitue donc une création intéressante, qui suggère une atmosphère, et qui, sans image figurative, par le seul pouvoir d’évocation des mots et des couleurs, raconte, fait voir quelque chose. Quelque chose comme un instant fort et insaisissable dans la vie de deux êtres, un décor, des dialogues, des impressions, que le visiteur peut reconnaître, comprendre, vivre pour lui-même, ou encore contester, pourquoi pas? De toute façon réagir, répondre à l’invitation de l’oeuvre, mordre à l’hameçon des points de suspension qui terminent le titre.
Chantale Girard est originaire de Jonquière, elle a étudié en enseignement et en arts visuels à l’UQAC. Très active dans le milieu des arts au Québec, elle travaille actuellement à Rouyn-Noranda.