L'activité humaine dans un jeu d'espaces
janvier 1997
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - Martin Dufrasne, qui expose à Espace Virtuel, en même temps que Patrice Duchesne, après un travail en résidence qui s’est effectué en partie en atelier à cause de l’importante dimension de certaines pièces, a pour sa part travaillé sur l’espace disponible dans la galerie, l’organisant par le placement de divers objets en trois dimensions qu’il a fabriqués en fonction de son projet. La forme longue et rectangulaire de la demi-salle qu’il devait occuper lui a suggéré le contenu et le titre de son exposition: «Manège étroit».
Pour lui, il s’agit en fait de délimiter, à l’intérieur de l’espace qui lui est alloué, d’autres espaces que l’on peut nommer, et qui correspondent à différentes activités humaines.
Certains éléments donc parcourent tout l’espace disponible, comme cette rampe de céramique qui court le long du mur, à hauteur de la main, forme cylindrique qui a d’abord la grosseur d’une paille pour devenir de plus en plus large. Lui répondent, au sol, d’étroites bandes de feutre et caoutchouc qui occupent presque toute la longueur de la salle. Sur cette topologie de base, Martin Dufrasne a installé, au fond, trois aires carrées séparées par des cloisons d’acier émaillé, qui correspondent successivement à une salle de jeux, une salle de bain et une chambre à coucher.
Dans la «chambre», un carré de feutre posé au sol évoque soit un lit ou un ring de boxe. Dans les autres pièces, on trouve, entre autres un «punching bag» qui rappelle aussi le combat et le jeu, un urinoir, un miroir, des anneaux de gymnastique.
En ces différents endroits se déroulent des activités humaines, telles luttes de pouvoir, compétition, parade, entraînement. Aucune de ces activités n’est illustrée de façon concrète dans l’exposition: l’artiste en évoque plutôt le côté codé, routinier, prévisible. Il propose ainsi un langage parallèle, qui constitue en lui-même un commentaire sur d’autres langages, ceux de la psychanalyse, de la physique et de l’architecture, entre autres. Tous ces objets sont créés, c’est-à-dire conçus, découpés, pensés et réalisés en atelier par l’artiste, il ne s’agit donc nullement de récupération. Il a même dû sortir de son atelier pour partir à la recherche de certaines techniques: par exemple, seule une entreprise de fabrication de parachutes et de matériel d’aviation, à Laterrière, offrait les machines capables de coudre ses grandes pièces de feutre et de caoutchouc.
Selon les explications de l’artiste, il s’agit pour lui de prendre possession de l’espace en utilisant les techniques du dessin et les codes de couleurs, autrement dit de passer d’une vision en deux dimensions à une vision en trois dimensions. «Je m’intéresse, dit-il, à ce qui se passe à l’extérieur, autour d’un dessin. Je pose la question: comment peut-on transposer dans notre monde en trois dimensions l’expérience du dessin, et vice versa».
Détenteur d’un baccalauréat interdisciplinaire en art, Martin Dufrasne a participé, depuis 1995, à plusieurs expositions et événements, au Québec et à l’extérieur.