Carol Dallaire

Estampes infographiques sur le thème du complet bleu
octobre 1995

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI (DP) - La série est devenue un élément quasi obligatoire de la pratique artistique d’aujourd’hui. Impossible d’obtenir une subvention sans soumettre une idée de projet, à laquelle sont forcément subordonnés tous les éléments d’une exposition ou d’une installation, quel que soit leur nombre. Certains artistes se soumettent à ce diktat de plus ou moins bonne grâce, acceptant à regret cette limite imposée à leur spontanéité créatrice.
D’autres, comme Carol Dallaire, sont parfaitement à l’aise avec cette notion de série: ils en auraient sans doute fait un élément de base de leur création même si elle n'était pas un préalable nécessaire à l’obtention d’une quelconque aide financière.
Carol Dallaire propose donc, à Espace Virtuel jusqu’au 27 octobre, une exposition intitulée «Le complet bleu ou l’apparence des choses qui ne sont pas des sons», composée de 15 estampes infographiques réalisées par ordinateur. Ainsi qu’il nous l’explique au cours d’une interview, il a choisi comme documents de base ses vieilles photos «de famille» en noir et blanc: un couple de jeunes mariés, une promenade à vélo, des images de magazines, une jeune communiante, par exemple. Une fois ces photos numérisées (scannées), l’artiste a choisi trois parties de chacune d’entre elles pour constituer chaque estampe: avec des programmes graphiques, il les a agrandies, colorées et traitées selon le scénario associé à l’image, avant de les faire imprimer.
Car dans le travail de Carol Dallaire, le texte a autant d’importance que l’image. Et la notion de série s’étend au-delà du cadre d’une seule exposition puisque l’artiste reprend, dans celle-ci, des personnages qu’il avait créés pour l'exposition «Petites mythologies», présentée en 1993 au CNE de Jonquière. Ces personnages, ce sont I.L. et E.L., masculin et féminin, donc, auxquels s’ajoute N.É. le chien. Ils étaient présents également dans un autre travail réalisé en 1994 par Carol Dallaire au Centre des Arts de Banff dans le cadre d’un programme en résidence d’artiste, intitulé celui-là «A propos de la réduction des têtes et autres curiosités intimes».

Les textes nomment donc les êtres et les choses, par des initiales seulement, et racontent brièvement un événement venu troubler la pensée d’un personnage. Ces «instantanés textuels» suggèrent une avenue de réflexion au visiteur-lecteur, lequel se réjouira sans doute de n’être pas laissé à lui-même devant les images comme c’est le cas pour nombre d’expositions en art actuel qu’il est impossible de comprendre sans les explications de l’artiste ou du critique.
Comme il l’a fait pour ses autres expositions, Carol Dallaire a également produit un album, présenté dans un boîtier qui regroupe toutes les estampes et textes de l’exposition, une iconographie et deux textes critiques. Ce coffret a été produit par Espace Virtuel, dans un tirage limité à 30 exemplaires.
Carol Dallaire explique que la présentation de son exposition fait références aux cabinets de lecture d’autrefois, où on pouvait feuilleter des manuscrits, des livres anciens et des gravures dans une atmosphère feutrée propice au recueillement. Il a choisi comme titre et comme thème le complet bleu, si souvent porté par les hommes d’autrefois pour les cérémonies officielles et les séances de photo: «le complet bleu est une sorte d’enveloppe rigide dans laquelle chaque visiteur est invité à se glisser: il l’anime ainsi des émotions et des sensations qu’il éprouve devant les textes et les images», dit-il.
Ce qui importe pour Carol Dallaire (comme ce devrait être le cas pour tout créateur digne de ce nom), c’est le résultat plutôt que la technologie. Bien conscient d’utiliser des instruments nouveaux tels l’ordinateur et les logiciels graphiques, il refuse la technique pour la technique, l’exploration pure des possibilités technologiques. «Le médium est nouveau, mais j’utilise les mêmes codes que ceux de l’estampe classique gravée sur bois: simplement, l’ordinateur permet de découvrir des effets nouveaux et d’en obtenir certains autres (flou, surexposition, image bougée ou mouillée) plus rapidement qu’avec les méthodes traditionnelles de gravure», dit l’artiste.
Carol Dallaire, natif de Chambord, habite maintenant Jonquière. Il est chargé de cours au module des Arts de l’UQAC, où il a complété une maîtrise en arts plastiques en 1991. Il a obtenu de nombreuses bourses et participé à des expositions et à plusieurs événements en arts visuels, au Québec et à l’extérieur. Il a notamment présenté une conférence dans le cadre du mois de la photo à Montréal en septembre et plusieurs publications réalisées dans le cadre de ce mois de la photo lui ont consacré des articles ou des dossiers.
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