Oeuvre pinte et tapis stressé, phase 2
juillet 1995
LA BAIE (DP) - «La deuxième couche couvre toujours mieux que la première»: tel est le commentaire émis par Jean-Jules Soucy au sujet de l'exposition «L'oeuvre pinte, deuxième couche» qu'il présente à la Maison des Aînés de La Baie pendant l'été. Deuxième couche parce qu'une exposition du même genre avait été présentée par la Ville l'an dernier au même endroit: les quelque 8500 visiteurs qui s'y sont présentés ont pu voir le «tapis stressé» de Jean-Jules Soucy, réalisé au moyen de plusieurs milliers de contenants de lait en carton: aplatis, le fond replié, ils étaient disposés par terre pour former une fresque aux vives couleurs.
Cette oeuvre pinte a, comme on le sait, connu un vif succès lorsqu'elle a été présentée au Musée d'Art contemporain de Montréal en décembre 1993. Depuis, chaque fois que Jean-Jules Soucy la présente, il la monte différemment. Avec les 70 000 contenants constituant son matériau de base, l'artiste a donc réaménagé encore une fois son dessin et ses îlots de couleurs, de sorte que les gens qui se rendent à La Baie cet été voient une oeuvre différente de celle qui était là l'an dernier, même si elle présente des similitudes. Les gens peuvent également écouter le film «L'art n'est point sans Soucy», que Bruno Carrière a consacré à l'artiste baieriverain, diffusé sur un écran télé à l'entrée de la salle.
L'artiste a aussi ajouté des éléments qui améliorent la présentation, comme l'identification des 27 laiteries dont il a utilisé les contenants, et la présentation de la «palette de couleurs», celle adoptée par la laiterie de La Baie: le pigment violet est fourni par les contenants de lait écrémé, le turquoise par le lait à 1%, le rouge par le lait à 3.25% le brun par le lait au chocolat et ainsi de suite. Pour résumer l'idée générale qui sous-tend l'Oeuvre pinte, citons l'artiste lui même: «Le plancher des vaches m'émeuhhhh!!!»
Mais avec Jean-Jules Soucy, une oeuvre en amène toujours une autre: quand il imagine un concept, il peut ensuite en exploiter les possibilités de multiples façon. Ainsi, il demande aux visiteurs de l'exposition d'apporter des contenants de jus (lavés) qui lui serviront à une autre oeuvre. Celle-ci sera réalisée dans le cadre de la politique culturelle dite du 1% (pas le lait!), au centre gérontologique de Jonquière. «Cette fois, raconte l'artiste, je vais exploiter un nouveau volet de l'oeuvre pinte: la peinture fléchée. Son idée de base : «une ceinture c'est une peinture sans "p", une peinture c'est une ceinture sensée». L'oeuvre, qui devrait être livrée en octobre, sera de taille plus modeste que le tapis stressé (6.5 par 7.5 pieds), sa palette de couleurs sera nécessairement différente et elle sera installée au mur.
Gâteaux
Un autre élément de l'exposition présentée à La Baie, c'est une série de «pâtisseries», placées dans un présentoir de verre, ou encore posées par terre et sur des tablettes. Elles constituent les éléments d'un projet que l'artiste a en tête depuis longtemps et qui pourrait se concrétiser d'ici l'an prochain. Lors de la fermeture de la pâtisserie Allard à la Baie (en 1987) Jean-Jules Soucy avait eu l'idée d'ouvrir une pâtisserie «à l'art», où les gâteaux non comestibles seraient fabriqués par les anciens employés de la pâtisserie et vendus aux clients.
Cela n'a pu être réalisé alors, entre autres parce que La Baie ne connaissait pas encore l'affluence touristique générée par les spectacles historiques et que donc le projet n'aurait pas pu être viable financièrement. Mais la situation est différente aujourd'hui, et ce sont les touristes eux-mêmes qui demandent s'ils ne pourraient pas acheter un petit gâteau de Jean-Jules Soucy, histoire de rapporter chez eux un souvenir de la région pour le moins original. Signalons que ces appétissants gâteaux sont faits de bandes de tissu enroulées et retenues par une ficelle, les mille-feuilles sont faits à l'aide de serviettes de table, et le tout est recouvert ensuite de pigment coloré directement sorti du tube: «les pâtes et papiers sont importants à La Baie» souligne Jean-Jules Soucy.
L'idée serait donc de mettre sur pied une petite fabrique de «pâtisseries» de ce genre, l'art prenant en quelque sorte le relais de l'économie pour la création d'emplois. La présence à La Baie de nombreux visiteurs serait de nature à soutenir un tel commerce, mais celui-ci ne pourra être mis sur pied dans l'aide financière de la Ville, qui s'est jusqu'ici montrée ouverte au projet, souligne l'artiste.