Benoît Savard

Propos d'un peintre amoureux de la vie
novembre 1999

par Denise Pelletier

LA BAIE(DP) - Sa dernière exposition en solo a eu lieu il y a sept ans. Et pour ses cinquante ans, l'an prochain, il songe à monter une exposition spéciale, qui ferait le bilan de 23 ans de production. Mais il hésite à parler de rétrospective, même si c'est bien de cela qu'il s'agit. Il a peur de paraître prétentieux. Et il craint un peu de devoir paraître au devant de la scène, dans les médias. «J'ai de la difficulté à parler de mon travail, et en plus, je parais toujours très mal sur les photos», dit-il.
Inutile donc de préciser que, pour cette entrevue, c'est nous qui sommes allés chercher Benoît Savard, et non l'inverse. Il s'inquiétait, se demandait ce qu'il allait raconter. Eh bien il a parlé pendant près de deux heures. Parce qu'il en a, des choses à raconter. Mais comme la plupart des peintres, il est habitué à travailler en solitaire, dans sa maison de La Baie, où il s'est «exilé» il y a sept ans, quittant sa ville natale de Chicoutimi pour suivre sa compagne, baieriveraine d'origine. Il y a aménagé une pièce où il peut travailler tranquille.
Ses toiles (et celles de plusieurs autres peintres) sont présentes sur les murs de la maison, «mais c'est ma femme qui voulait cela et qui les a accrochées», dit-il, toujours modeste. Dans son atelier, il conserve quelques oeuvres, anciennes et récentes; sur le chevalet, l'une d'elles attend la touche finale. On y reconnaît son style particulier, unique, qui consiste à poser des personnages qui bougent dans des paysages du Saguenay, de Charlevoix, ou des environs.
Mais Benoît Savard aime aussi découvrir de nouvelles avenues, faire des essais. Ainsi, une grande toile, pas tout à fait terminée, représente deux boxeurs sur un ring, qui allongent simultanément le poing l'un vers l'autre. Elle est pour l'instant dans des tons de brun, beige, ocre: il y aura de la couleur, mais très peu, dit-il, expliquant que le sujet, nouveau pour lui, lui a été inspirée par les combats entre Stéphane Ouellet et Dave Hilton.
Mais cette solitude, si elle est nécessaire pour donner libre cours à sa créativité, n'est pas toujours agréable ou souhaitée, pour certains aspects du travail. C'est pourquoi Benoît Savard est très heureux de s'être joint au groupe La Maestria, récemment formé par des peintres de la région dits traditionnels ou figuratifs. «Cela fait bouger des choses, cela nous donne une force, et j'aime rencontrer les autres: nous ne sommes pas toujours d'accord sur les actions à prendre, mais c'est stimulant». Benoît Savard apprécie cette nouvelle formule, qui consiste à présenter des expositions en groupe et à assurer une présence des artistes sur place, parce qu'elle lui permet de rencontrer «son» public, ceux qui achètent ses toiles, ou ceux qui, simplement, les apprécient. Pour eux, c'est bien de pouvoir enfin voir l'artiste qui a peint les toiles, et pour lui, rien ne le touche plus que quelqu'un qui vient lui dire qu'il a une toile de lui, qu'il l'aime et qu'il la regarde chaque jour. Il participe aussi à l'exposition «C'est l'hiver», en cours jusqu'au 3 janvier, organisée par le CNE de Jonquière, qui a choisi 14 peintres du Saguenay intéressés à traiter le thème de l'hiver.
Pour sa part, il aborde toutes les saisons, dans ses toiles. Il travaille beaucoup à l'acrylique, mais il reprend l'huile de temps à autre. «Je travaille très lentement, dit-il, je fais souvent plusieurs tableaux en même temps. Après quelque temps consacré à l'un, je dois m'arrêter, parce que je ne le vois plus, alors je travaille sur un autre». Ce qu'il recherche c'est l'équilibre, l'harmonie. Au fil des années, il s'est trouvé une palette de couleurs, des couleurs douces qui admettent aussi les contours nets et bien tranchés, les touches sombres qui font ressortir l'ensemble du tableau.
Parfois, il doit abandonner une toile. «Elle n'a pas d'âme, la magie n'est pas là, alors je préfère tout effacer et faire autre chose, heureusement, cela n'arrive pas trop souvent», dit Benoît Savard qui a toujours aimé dessiner et colorier, dès son plus jeune âge. «Les gens de ma famille le savaient, alors ils m'offraient des crayons, des gouaches», dit-il en nous montrant une toile qu'il a peinte à la gouache, justement, quand il était adolescent. Une scène champêtre, naïve, mais où se profilent déjà certains éléments qui seront caractéristiques de son style.
Ce goût pour l'expression artistique remonte donc très loin, mais c'est après avoir visité plusieurs musées d'Europe, dont la Tate Gallery de Londres où il a pu voir de près les oeuvres de Turner et Constable, deux peintres britanniques qu'il admire, qu'il a pensé à en faire un métier. «Mes parents se sont montrés ouverts et m'ont laissé libre de faire mon choix, tout en m'avertissant que si je devenais peintre, je ne risquais guère de rouler en rolls-royce».