Charles Belleau

Une exposition qui fait découvrir la poterie et l'archéologie
mai 1995

par Denise Pelletier

LA BAIE (DP) - L'exposition est moins vivante et moins colorée que quand il s'agit d'animaux ou de toiles abstraites ou figuratives, et il n'était pas facile d'en mettre en valeur toutes les pièces. Pourtant, l'équipe infatigable du Musée du Fjord s'est attaquée au défi et propose pour l'été une exposition consacrée à la poterie québécoise artisanale.
Ce n'était pas évident en effet de montrer, particulièrement aux jeunes écoliers qui bourdonnent au Musée ces jours-ci, l'intérêt de pièces telles que bols, cruches, plats en tout genre dont les couleurs, sauf exception, sont assez neutres ou ternes: les artisans d'ici ne disposaient pas de techniques sophistiquées et ne voyaient pas la nécessité de décorer longuement ces objets considérés comme strictement utilitaires.
L'équipe du Musée a trouvé une belle idée pour rendre l'exposition plus attrayante et plus vivante: l'axer sur un potier nommé Charles Belleau, qui a vécu et travaillé à La Baie de 1853 à 1889. Un personnage mystérieux et solitaire qui venait de la Malbaie et dont les manies bizarres suscitaient crainte et curiosité dans la population. On sait très peu de choses à son sujet, mais suffisamment pour construire quelques personnages articulés qui attirent l'attention des jeunes visiteurs sur lui, et ensuite, sur le véritable objet de l'exposition, la poterie.
On y trouve notamment plusieurs objets fabriqués par Charles Belleau lui-même, qui ont été retrouvés lors de fouilles menées en 1977 par l'archéologue Michel Gaumont pour le ministère de la Culture, sur le site de son atelier qui était situé chemin Saint-Anicet à La Baie. Sur ce même site, on a retrouvé les restes de sa maison, un four à cuisson (entièrement reconstitué dans l'exposition) et un «dépotoir», soit un trou creusé dans le sol où il jetait les pièces cassées ou dont sans doute il n'était pas satisfait.
Toute une partie de l'exposition, intitulée rappelons-le «L'intrigant Charles Belleau» est donc consacrée à ce personnage: le mystère n'est pas éclairci car il n'existe pas de documents précis à son sujet, toutefois on devine que Charles Belleau était le type même de l'humble artisan, qui fabriquait des objets d'usage courant qu'il vendait aux gens de l'endroit pour quelques sous. Les pièces retrouvées montrent toutefois une connaissance très poussée du métier et de ses techniques, et un sens artistique qui l'incitait à toujours ajouter une note personnelle à ses créations.
Mais, en passant par Charles Belleau, cette exposition fait découvrir au visiteur tout un monde finalement assez peu connu. Grâce à des jarres, cruches, plats divers trouvés sur des sites comme Place Royale à Québec, le poste de Traite à Chicoutimi ou Anse-Saint-Jean, prêtés par des musées et notamment le moulin Père-Honorat de Laterrière, on apprend bien des choses sur la céramique québécoise au 19e siècle. Dans la région, d'abord, il y a eu deux autres artisans potiers, en plus de Charles Belleau: Odilon Delisle et Napoléon Tremblay. Il y a eu également une petite entreprise de fabrication de ces objets, Poterie du Saguenay.
Le tout est présenté grâce à des objets en céramique qui témoignent de cette histoire de la poterie artisanale québécoise, complétés par des textes explicatifs et quelques modules interactifs où le visiteur est invité à répondre à des questions. L'exposition comprend en outre un documentaire vidéo très instructif réalisé par Eric Langevin, chercheur à l'UQAC, qui donne des explications précises sur les techniques de fouilles en montrant des images illustrant ses propos de façon pertinente. Enfin, des guides sont sur place pour donner encore davantage d'explications aux visiteurs les plus curieux. Une exposition faite pour intéresser les jeunes et les adultes, donc, réalisée avec soin et qui se poursuit jusqu'au 5 septembre.
--30--