Richard Déraps

L'humour appliqué à des sujets sérieux
septembre 2003

par Denise Pelletier

(DP) - Des états d’humour plutôt que des états d’âme: voilà ce que veut transmettre Richard Déraps à travers ses illustrations et dessins peuplés de personnages grotesques ou loufoques. Par ses dessins aux couleurs souvent criardes, rehaussés d’objets collés ou juxtaposés tels des clins d’oeil complices, il livre ses commentaires sarcastiques sur divers sujets qui l’intéressent ou le préoccupent.
Des sujets de réflexion, ce professeur en publicité du programme Art et technologie des médias au Cégep de Jonquière n’en manque pas. Et il tient à traiter tous ces thèmes, même les plus graves, sous un angle humoristique. L’humour c’est sa ligne directrice, son point de vue sur l’homme et ses contradictions, sur les drames du monde et les bizarreries de la vie quotidienne. Il pourrait constituer aussi, dans certains cas, une cuirasse, un système de défense contre les aberrations de l’histoire et de la société.
Au Centre des arts et de la culture de Chicoutimi, Richard Déraps nous fait faire le «tour du propriétaire» de cette exposition qu’il y présente jusqu’au 28 septembre. Elle se divise en deux volets: d’une part des affiches promotionnelles du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du concours Lecteur, lectrice de l’année, réalisées entre 1995 et 2001. Dans ce cas, l’effet comique est obtenu en prenant les thèmes au pied de la lettre.

D’autre part, Richard Déraps présente 26 illustrations originales dessinées au cours des dix dernières années, davantage orientées vers le sarcasme et l’humour noir. Plusieurs sont enrichies de collages, d’éléments de décor en trois dimensions, et même de graffiti écrits directement sur le mur de la salle d’exposition. Par exemple, de vrais volants de badminton accompagnent le dessin intitulé «Jésus 16-Judas 3» et de vraies petites lumières de Noël illuminent le dessin intitulé «Nez Rouge».Son «Lancelot zébré» est un chevalier monté sur un zèbre et dont la lance est un crayon. «Le bouton rouge» est bardé d’un système de protection comme ceux que l’on trouve dans les musées. Garantie supplémentaire de sécurité: quatre vraies trappes à souris, fixées aux quatre coins du cadre! Dans «Le petit fume», une main d’adulte secoue la cendre d’une cigarette au-dessus de la tête d’un enfant. «Le Hold-up» se déroule au «Provisouère»: le voleur est un enfant qui ordonne au caissier: «Envoye le cash, un 8/49, deux lunes de miel, pis dis-le pas à ma mère!» Une recette de «rôti de porc avec petates jaune orange», une illustration d’un séjour à Olacher (Old Orchard), une grenouille qui mange des livres: autant d’exemples accrochés par l’artiste à ce fil conducteur essentiel qu’est pour lui l’humour.
Richard Déraps conçoit des personnages bigarrés, bizarroïdes, dotés de membres ou de parties du corps empruntés à d’autres animaux ou à des objets (des héros qui ont des livres à la place de la tête, par exemple, ou cet homme qui allonge une langue d’oiseau pour gober une mouche). Édentés ou au contraire «pleins de dents», nantis de langues rouges et pointues, affublés d’une peau pâle et plissée comme celle d’un poulet déplumé: «Mes bonshommes ne sont pas beaux», reconnaît d’ailleurs volontiers l’artiste, mais selon lui, leur étrangeté même est susceptible de les rendre attachants.
BD et liberté
Le dessin est un espace de liberté dans lequel Richard Déraps laisse libre cours à la créativité. L’idée originale naît souvent d’un mot ou d’une association de mots: le texte écrit, que ce soit le titre ou une inscription sur le dessin même, joue un rôle important, dans sa création comme en publicité. Ensuite, il s’amuse à explorer ce mot, cette idée, au moyen de techniques simples et variées: crayons de bois, de cire, de feutre, pastel, aérographe, collage. Et l’infographie, réservée en général aux retouches.
Ses oeuvres aux couleurs vives et disparates s’apparentent bien entendu à la bande dessinée, dont il est un fidèle lecteur. Il dit avoir été à l’école de «la Rubrique-à-brac», du bédéiste français Marcel Gotlib: «C’est mon type d’humour». Il a beaucoup aimé la revue Croc en son temps, et il apprécie la technique de l’illustrateur Vittorio, qui a conçu notamment le petit personnage vert du festival Juste pour rire. Il admire aussi le style du peintre Arthur Villeneuve, assez proche de la bande dessinée par certains aspects.