Carole Desgagnés

La sculpture des sentiments
mai 2003

par Denise Pelletier

PÉRIBONKA(DP) - Carole Desgagnés a grandi entourée d’oeuvres d’art: ses parents avaient un boutique d’encadrement, sa mère aimait la peinture et achetait des tableaux d’artistes connus. «Il y avait beaucoup de belles choses autour de moi», dit-elle. Il n’est peut-être pas étonnant alors de la retrouver aujourd’hui au Musée Louis-Hémon, où elle présente une exposition de sculptures intitulée «Sentiments dévoilés». Fidèle à ses origines et à ses racines, l’artiste habite encore Dolbeau-Mistassini, sa ville natale: c’est là qu’elle a choisi de vivre et de travailler.
Attirée dès son enfance par les arts visuels, Carole Desgagnés faisait de la peinture et du dessin, mais pas de sculpture même si elle aimait beaucoup aller voir les expositions d’oeuvres de Rodin et de Laliberté. Elle ne pensait pas non plus en faire un métier, mais elle s’est inscrite au certificat en arts visuels à l’UQAC en 1989, pour élargir ses horizons, expérimenter davantage la création.
Dès les premiers cours, elle a été mise en contact avec la sculpture. Et ce fut une véritable révélation. «La sculpture correspondait exactement à ce que je recherchais. Je pouvais enfin faire passer directement au bout de mes doigts tout ce que je ressentais. En peinture, je m’étais toujours sentie limitée, je n’étais jamais satisfaite de mes tableaux, tandis qu’en sculpture, j’exprimais mes émotions de façon concrète, immédiate. Si je pouvais, je ne ferais que ça, du matin au soir».

Un rêve pour cette mère de cinq enfants qui s’est aussi illustrée dans le domaine de l’athlétisme, ayant remporté quelques courses à pied disputées dans la région. Son mari, Denis Bouchard, et trois de ses enfants sont des adeptes de ski de fond et d’athlétisme et participent à des compétitions.
Sa famille respecte d’ailleurs son besoin de solitude. Quand elle travaille dans son atelier, installé dans la boutique de fartage au sous-sol de la maison familiale, elle a besoin de solitude: «parfois ils viennent me voir, me souhaiter bonne nuit ou me dire un mot, mais ils comprennent que j’ai besoin de tranquillité pour créer et ils font ça très discrètement», dit-elle. De même, son conjoint et ses enfants acceptent volontiers ses nombreux déplacements hors de la ville.
Tout en continuant à s’occuper de sa famille, et aussi de la garderie en milieu familial qui lui permet de gagner sa vie, elle a donc complété son certificat par les soirs, suivant les cours qui se donnaient à  Dolbeau et à Alma.
Ayant découvert que la sculpture était son moyen d’expression, et encouragée dans cette voie par son professeur Ronald Thibert, Carole Desgagnés a décidé d’aller plus loin dans cette voie. Après l’obtention de son certificat en 1993, elle a effectué un stage intensif auprès du sculpteur Daniel Beauchamp, de Québec. Le directeur de la galerie d’art la Marée montante, à l’île d’Orléans, l’a «adoptée»: il vend ses oeuvres à la galerie et il est aussi son agent. L’agent est une personne essentielle quand on vit dans une région éloignée et qu’on n’est pas encore très connu dans le milieu de l’art. C’est lui qui permet à Carole Desgagnés de participer à quelques symposiums chaque année, dans diverses régions du Québec. Trois ou quatre, pas plus, il faut éviter la saturation et la surproduction. Et surtout respecter son propre rythme, dit l’artiste.
Ce parcours explique sans doute pourquoi elle est plus connue à l’extérieur de la région qu’ici même, où pourtant elle a participé à des expositions de groupes et remporté  des prix, notamment deux prix de sculpture au Concours régional des arts visuels en 1996.
Carole Desgagnés a d’abord sculpté le plâtre, puis elle  est passée à la céramique, dans laquelle elle a réalisé les 22 pièces qu’elle présente au musée Louis-Hémon jusqu’au 30 juin, dans ce qui constitue sa première véritable exposition solo. Celle-là, elle voulait la présenter dans sa région, et dans une galerie d’art reconnue.
Presque toutes ses pièces représentent des personnages, et surtout des groupes. Son inspiration lui vient de sources très variées: elle a toujours avec elle un calepin dans lequel elle prend des notes inspirées par tout ce qu’elle voit et entend: un mouvement, un mot, une phrase, un refrain entendu à la radio, ou encore la forme des nuages. Des idées qui ensuite s’incarnent tout naturellement dans des formes humaines auxquelles l’artiste confère des attitudes évocatrices. Le titre de chaque sculpture fait référence à l’idée qui lui a donné naissance. Ainsi, l’oeuvre intitulée «la Douleur» montre quatre formes féminines qui semblent pleurer et se consoler. Dans «l’Indifférence», on peut voir un couple dont les bustes s’éloignent dans un mouvement apparemment violent, alors que le bas de leur corps est rapproché. «La Vie» représente les têtes d’une mère et d’un enfant, «le Reboiseur» est penché vers la terre, «la Chaîne de la paix» est représentée par six personnages et pas moins de 13 personnages de tailles variées sont regroupés dans la sculpture intitulée «la Société». «Les Passionnés» représente un groupe de musiciens tenant leurs instruments et «Tendres émotions» une mère et ses enfants.
Chaque sculpture est accompagnée d’un texte écrit par l’artiste: «quand la pièce est terminée, je la range pendant quelque temps, puis je la reprends et j’écris quelques lignes, quelque chose qui n’est pas dans l’oeuvre, mais que je vois comme un complément», explique-t-elle. En revanche, elle ne sculpte jamais les traits des visages: c’est un espace qu’elle laisse à l’imagination de celui qui regarde la sculpture.
Quelques oeuvres sont de taille plus petite, presque des miniatures, et quelques autres représentent des animaux, des canards par exemple. De plus, il y avait une pièce en aluminium, intitulée Solidarité, elle n’y est plus, cependant, ayant été acquise par ... Alcan!