Toucher du bois... pour faire un livre
août 2001
par Denise Pelletier
JONQUIERE(DP) - Toucher du bois porte chance, dit-on. C’est peut-être pour cette raison que Karen Trask a choisi d’intituler ainsi l’exposition qu’elle présente au CNE jusqu’au 7 octobre. Mais ce titre constitue aussi très certainement la description, la plus précise et la plus concise qui soit, de son long et patient travail sur le bois et le papier, deux matières étroitement liées, à la fois concrètement et métaphoriquement dans ses superbes créations.
On peut pour ainsi dire suivre à la trace, en observant ses sculptures, son processus de conception, de réflexion, d’association, de narration, lequel finit par mettre en relief l’étroite relation entre l’arbre et le livre, l’un donnant naissance à l'autre, ce dernier accueillant les mots de l'écriture, l'un et l'autre demeurant liés par certains termes comme feuille ou racine.
Karen Trask prend par exemple une petite bûche qu'elle sépare en deux: de minces feuilles d'arbre sculptées, qui semblent découpées dans le coeur, courent de l'une à l'autre de ces deux moitiés.
Plus loin, elle a sculpté littéralement, dans un bloc de bois, un livre ouvert, avec ses pages que l'on dirait tournées par une main invisible. Une autre oeuvre se présente en quelque sorte comme l'envers de la précédente: des livres de papier-matière ouverts sont empilés pour former une sculpture blanche à laquelle une lumière oblique confère une sorte de vie. L'exposition comprend aussi une grande murale faite de multiples feuilles de papier matière qui laissent apparaître le dessin, en tons de gris, d'un grand arbre (un orme comme l'indique le titre de l'oeuvre) au milieu d'un champ.
L’artiste propose donc de multiples déclinaisons de cette association étroite entre le dessin ou la sculpture et l’écriture: dans les pages de ses livres, Karen Trask creuse des formes où s'encastrent des morceaux de végétaux, qui en réalité sont aussi fabriqués, sculptés par elle.
Des messages disposés un peu partout dans la salle prient instamment le visiteur de ne pas toucher aux oeuvres, certainement très fragiles. On peut cependant toucher une partie du travail de Karen Trask, soit les éléments qui sont disposés sur une table spéciale: il faut mettre des gants blancs pour manipuler ces quelques livres d'artiste, tout en lisant les textes dans lesquels elle explique comment elle a toujours été fascinée par les relations entre dessin et écriture. Un site Internet, visible à certains moments sur un ordinateur portable, fait également partie de l'exposition, illustrant ainsi d'autres aspects de l'univers des mots et des formes.
En utilisant des techniques telles la reliure, le tissage, la sculpture, le multimédia et l'écriture, l'artiste compose ainsi des oeuvres à trame narrative qui évoquent, de façon pertinente et sereine, le passage du temps et divers aspects de la communication entre les humains.
Native de Fergus, en Ontario, Karen Trask vit et travaille à Montréal. Détentrice d'une maîtrise en arts visuels de l'Université Concordia, elle a produit plus d'une vingtaine d'expositions solo dans diverses villes canadiennes et participé à de nombreuses expositions de groupe.