Claude Dallaire

Ironie organique et photographique
mars 2001

par Denise Pelletier

LA BAIE(DP) - Le sens du jeu et l'ironie souriante ou grinçante: voilà quelques éléments qui se dégagent du travail photographique de Claude Dallaire. Fidèle à l'un de ses nombreux mandats, celui de diffuser le travail de personnes originaires de La Baie, le Musée du Fjord propose, jusqu'au 5 avril, une exposition de ce photographe d'origine baieriveraine qui a fait ses études en design à l'UQAM et a été finaliste au concours Lux Canada 2000.
Dans les trois volets de cette exposition, intitulée «Portraits et autres passions», l'artiste démontre son intérêt pour la mise en valeur du potentiel métaphorique des images. Son esprit ludique se manifeste en particulier dans la série des fruits,  très clairement inspirée par le travail du peintre italien Arcimboldo, qui composait des figures et portraits avec des fleurs et des fruits. La démarche de Claude Dallaire, en photographie, consiste à associer la forme, la texture et la couleur des fruits ou des légumes, en les déterminant et modifiant au besoin, à un élément du visage ou du corps humain. Par exemple, un oeil entouré de bleuets, un nez peint en rouge et entouré de fraises, une bouche entourée de côtes d'orange ou encore un pied encerclé par un chapelet de gourganes.
Quelques photos sont organisées un peu différemment, entre autres les deux photos intitulées «L'artiste» et «Les artistes»: on y voit une main dans un cas, deux mains dans l'autre, tachées de peinture et tenant une asperge à la manière d'un pinceau. Et aussi la photo intitulée «Poilu», où on aperçoit le visage d'un homme barbu (celui de Claude Dallaire lui-même) entouré de fibres textiles sortant d'un chapeau et d'un col qui se confondent avec les cheveux et la barbe. Il y a deux formats de photos dans cette série des fruits: grand et moyen.

Une autre série, organisée autour du thème de l'oeuf, doit être vue en tenant compte des titres: il s'agit de photos en noir et blanc qui associent l'oeuf à une partie du corps. Par exemple: une femme tient un oeuf sur son sein sur la photo intitulée «La nourrice», un oeuf surmonte une main fermée dans «Le poing» (qui aurait sans doute pu s'écrire «le point»), un pied nu se pose sur un oeuf dans «La marche», et le titre «L'idée» coiffe la photo montrant une tête chauve surmontée par un oeuf.
La troisième série est orientée vers le portrait: portraits de femmes, dont plusieurs ont la peau foncée, auxquels ont été ajoutés des éléments graphiques destinées à évoquer une idée. Dans la photo intitulée «Le péché originel», ces éléments sont un serpent dessiné sur le dos et les fesses d'une femme, et, tout autour, le paradis terrestre, avec son arbres et ses pommes. La photo intitulée «Rêve d'enfant» montre une femme enceinte: sur son ventre et ses seins l'artiste a peint, à la manière naïve, un paysage où évoluent des enfants.
De cet ensemble à saveur symbolique se détache une photo intitulée «Portrait de Marguerite à une semaine»: on ne peut lui trouver de sens métaphorique, mais la photo de ce bébé, nu, couché sur le côté, les jambes recroquevillées et la tête relevée, est absolument superbe.
Bref, le travail de Claude Dallaire est à la fois intéressant et accessible: le visiteur appréciera son sens de la composition, sans doute développé à la faveur de ses études en design, et sa capacité à combiner figuration, narration et qualité esthétique.