Carole Baillargeon

Les dessous du vêtement
mars 1999

Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - L'exposition «Boutons et boutonnières», présentée par Carole Baillargeon à Espace virtuel jusqu'au 18 avril, fait état d'une réflexion sur le vêtement, son importance, sa signification dans le fonctionnement social. Cette organisation de boutonnières, boutons, tissus, formes assemblées et cousues se présente d'abord comme un jeu: le spectateur regarde, identifie les boutons ou les formes qui les rappellent, les pièces de vêtements.
Il y a par exemple un cercle sur lequel sont collés d'innombrables petits boutons mauves, violets et roses. Au centre de ce cercle posé au mur, deux trous, deux ouvertures, ce qui fait immédiatement penser à un masque, à un visage stylisé: l'oeuvre porte d'ailleurs un titre joliment évocateur: «Le bouton boutonneux».
L'une des pièces les plus fascinantes et amusantes de l'exposition, posée par terre, est constituée d'une multitude de paires de pantalons, de style jeans, enfilés les uns dans les autres. Le haut, taille, fermeture éclair (ouverte) et hanches, est laissé intact mais toute la partie des jambes est découpée en lanières. Les pantalons sont de diverses couleurs, surtout bleu denim, mais aussi blancs, noirs, roses. Sur une note à l'entrée de la salle, l'artiste, qui vit et travaille à Québec, explique qu'elle a déjà 70 paires de jeans et qu'elle souhaite en recueillir 100 pour compléter son oeuvre: elle invite donc les gens à lui apporter leurs vieux jeans usagés.

Autre oeuvre fascinante, posée au mur du fond, et intitulée «X et Y»: il s'agit de plusieurs cravates nouées, disposées au mur à côté d'un grand voile blanc évoquant celui que portent les mariées. Les cravates, avec leur cercle de col et leurs volants, évoquent inévitablement des spermatozoïdes, et, avec le voile de mariée, l'image est complète.
D'autre oeuvres proposent un aménagement de cols de chemise associés à leur lisière boutonnée, soit réellement découpés dans des vêtements ou encore peints sur des toiles. Une autre création, intitulée «Deux boutons de fleur», comprend deux éléments posés par terre: l'un est fait de ces épaulettes habituellement insérées dans les vêtements: noires, cousues en rond, avec au centre un tissu velouté et du fils, elles forment sans contredit une fleur. L'autre fleur est réalisée avec du piqué de matelas, fil à coudre vert ou rouge, et métal.
Les transformations et les associations réalisées avec tous ces éléments témoignent d'une préoccupation majeure chez l'artiste. Dans son texte de présentation, celle-ci explique avoir toujours été intriguée et attirée par le monde du vêtement. Notamment par les codes rigoureux transmis par la mère: on porte tel vêtement à tel moment, du pâle l'été, du foncé l'hiver, le vert ne va pas avec le bleu, par exemple. D'autre part, le vêtement a toujours joué un rôle important dans le marquage de l'identité sexuelle: certains étant réservés aux femmes, d'autres aux hommes. Elle a choisi le bouton et la boutonnière comme représentatifs de ces préoccupations. Selon la convention, les boutons sont cousus à gauche pour les femmes, à droite pour les hommes. Par ailleurs, le bouton, la boutonnière, et l'acte de les associer sont dotés d'un fort symbolisme sexuel.
Pour poser ses questions sur les conventions culturelles, sur les attitudes reliés à l'identité, à la féminité, à l'apparence, à la séduction et à l'éducation, Carole Baillargeon utilise avec souplesse une multitude de matériaux, de styles, de formules. Dessin, gravure, installations de type tableau ou de type sculpture, objets de récupération, couleurs, crayons, par exemple.
Carole Baillargeon sera présente à Espace Virtuel le dimanche 18 avril prochain à 14 heures, soit le dernier jour de l'exposition, pour donner une conférence sur sa démarche. Artiste multidisciplinaire, elle est active depuis 12 ans dans le milieu des arts visuels, et elle a exposé en solo et en groupe en Amérique et en Europe.