François Méchain

Une oeuvre in situ près de la rivière du Moulin
novembre 1995

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI (DP) - Si vous vous promenez cette semaine aux abords de la rivière du Moulin, sur les terrains situés à l'arrière du Séminaire de Chicoutimi, vous y verrez des gens en train de travailler. C'est François Méchain, un artiste français et son équipe, en train de réaliser une oeuvre «in situ» intitulée «Intrusion blanche».
Comme il le fait dans la vingtaine de pays où il est régulièrement invité à réaliser des oeuvres, cet artiste professionnel travaille toujours en fonction du site et du contexte social où il se trouve. Il a posé sur la région son «regard d'Européen», comme il dit: «j'ai écouté la radio, lu les journaux, visité les musées, discuté avec les gens dans les bars» dit-il. A partir de ces matériaux, il a perçu d'une certaine façon la région, et conçu son oeuvre en fonction de celle-ci.
«C'est la lumière qui m'intéresse en premier lieu, celle de l'hiver en particulier. Le blanc, c'est celui de la neige et de la lumière. Je vais construire, à partir de morceaux de bois mort trouvés sur le site, une grande vasque que je vais recouvrir de papier aluminium». Un «piège à soleil» dont la forme rappellera celle des coupoles réceptrices de télévision que l'on trouve sur les toits ou sur les terrains privés.
Ce travail est étroitement associé à une exposition que présentera François Méchain à la galerie Séquence du 19 mai au 23 juin: donc, il sera exécuté en fonction de ce qu'apercevra l'artiste par un viseur photographique installé à proximité de l'oeuvre. «J'en tirerai deux ou trois grandes images prises à divers moments, qui seront ensuite exposées à la galerie, où on trouvera également une sculpture blanche au mur et, au milieu de la salle, une pièce de bois mort dont la forme évoque celle d'un canoë»: une allusion aux Amérindiens qui enrichit le sens de l'expression «intrusion blanche».
De plus, pendant les deux semaines qui viennent de se terminer, François Méchain a donné un atelier expérimental aux étudiants du baccalauréat interdisciplinaire en arts de l'UQAC. Une vingtaine d'entre eux ont conçu et réalisé une douzaine de projets in situ un peu partout dans la ville.
Il est en pourparlers actuellement pour réaliser un autre projet sur le terrain d'un chalet situé à l'Anse-à-la-lumière, qui appartient au courtier de Chicoutimi Gilbert Gravel. Il s'agirait cette fois d'une sculpture gigantesque, qui intégrerait le bois et l'aluminium, et qui serait visible du Saguenay: des discussions sont en cours avec des commanditaires éventuels.
François Méchain a enseigné pendant 15 ans, puis il a cessé pour vivre de son travail de création, selon une pratique inspirée en partie par le «land art» américain. Il travaille sur commande, les invitations peuvent venir aussi bien de centres d'artistes, de maisons d'enseignement, d'ambassades, d'hommes politiques.  Tout à fait conscient de la fonction subversive de l'art, il veut garder sa liberté d'expression, autant dans son attitude que dans ses paroles et ses oeuvres mêmes: «le rôle de l'artiste, c'est un peu celui du fou du roi: il peut, il doit se permettre de critiquer ceux qu'il est censé servir, et de semer en eux le doute sur le système dans lequel ils fonctionnent», dit-il.