Mosaïque végétale à Anse-Saint-Jean
Un premier test est réalisé à Chicoutimi
juin 1995
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI (DP) - Le projet Saint-Jean-du-Millénaire, une sculpture environnementale qui doit être réalisée sur le versant d’une montagne face au Mont-Edouard à l'Anse-Saint-Jean, a été présenté hier à Québec devant les quelque mille délégués réunis aux États généraux du paysage québécois.
Denys Tremblay, concepteur et maître d’oeuvre du projet, a prononcé l’une des 80 communications qui ont été faites devant les participants, archéologues, biologistes, urbanistes, architectes, paysagistes, bref, tous ceux dont la profession ou le métier touchent le paysage d’une façon ou d’une autre.
Ainsi qu’il nous l’expliquait plus tôt cette semaine, il a présenté pour sa part le point de vue de l’art, qui se situe entre l’écologie de type idéaliste et l’altération brutale du territoire à des fins de développement économique. Il a donné comme exemple concret d’intervention artistique son projet Saint-Jean-du-Millénaire, qui consistera à dessiner le visage et la main de saint Jean-Baptiste uniquement en plantant diverses essences d’arbres, choisies pour leur couleur et plantées de façon précise. Cette mosaïque végétale nécessitera la plantation de 36 000 arbres sur un quadrilatère d'un kilomètre carré.
Comme complément à cette réalisation, Denys Tremblay envisage d’inviter des artistes (notamment ceux qui participent au Symposium de la Jeune Peinture de Baie-Saint-Paul) à réaliser des dessins végétaux,
faits avec des fleurs ceux-là, sous la remontée mécanique qui mène au sommet du Mont-Edouard. «Ce seraient de véritables floralies, il pourrait y en avoir plusieurs par année, sur des thèmes reliés aux saisons ou à l’actualité», dit-il. Mais les artistes n’étant pas nécessairement des jardiniers, on ne leur demandera pas de planter eux-mêmes: ils fourniront plutôt une oeuvre, dessin, estampe, peinture, qui sera en quelque sorte transcrite sur le terrain au moyen de fleurs.
Pour y arriver, Denys Tremblay a collaboré avec le GRIP-M, Groupe de Recherche en interactivité personne-machine, dirigé par Richard Tremblay, lequel a mis au point un programme informatique baptisé Flower Show-1(!). Il traduit en pixels (points de couleurs) une image donnée et produit un plan où sont indiqués les variétés de fleurs nécessaires et les emplacements où elles doivent être plantées afin de reproduire le dessin le plus fidèlement possible. «On peut faire varier la précision du programme, et par conséquent de l’image végétale, selon que l’on veut utiliser un grand nombre de fleurs et de variétés ou au contraire les limiter pour des raisons financières ou autres», dit Denys Tremblay, artiste et professeur au module des Arts de l'UQAC, qui a reçu une subvention de 21 000 $ du CALQ pour son projet Saint-Jean-du-Millénaire. (Autre texte sur le projet)
Une étape importante touchant cet aspect du projet (qui ne sera sans doute pas terminé avant l’an 2000) a été franchie cette semaine. Une équipe a en effet réalisé un «prototype» de mosaïque florale devant le pavillon Sagamie de l’UQAC à Chicoutimi. On expérimentait aussi une nouvelle façon de mettre ces plants en place. Un système inédit imaginé par Denys Tremblay et pour lequel il a pris le soin d’obtenir un brevet, car cela pourrait intéresser bien du monde. L’unité de base du système est un sac de toile géotextile rempli de terre et posé à plat sur le sol: neuf incisions sont pratiquées dans chaque sac, et un plant est installé dans chaque incision. Pour cette première expérience, Denys Tremblay a embauché des étudiants qui se chargent de remplir les sacs et d’y placer les fleurs. Mais éventuellement, ce travail pourrait être effectué par une entreprise, une pépinière par exemple.
Une fois que les sacs sont prêts, le travail est très simple: on les pose par terre, on peut les attacher ensemble grâce aux oeillets dont ils sont garnis, on peut donc installer le tout facilement sur un terrain en pente. Autres avantages: aucun entretien n’est ensuite nécessaire et les sacs sont réutilisables.
C’est donc quelque 250 sacs contenant en tout 1940 fleurs qui ont été placés devant le pavillon Sagamie pour former une mosaïque florale de 30 pieds par 30 pieds. D’ici 15 à 20 jours, on devrait pouvoir distinguer la tête de saint Jean Baptiste dessinée par ces 13 variétés de fleurs, parmi lesquelles souci (marigold), verveine, lobélie.
«Cela nous permettra de vérifier plusieurs choses, notamment de trouver le meilleur terreau (il y a différents mélanges dans ces sacs), de voir si tout se passe comme prévu, de cerner les éventuels problèmes et de raffiner le logiciel», conclut Denys Tremblay.