Lucie Lapointe

Traduire la vie en couleurs
janvier 2003

par Denise Pelletier

(DP) - Petite fille, Lucie Lapointe dessinait tout le temps. Elle «barbouillait» ses cahiers de classe et toutes les feuilles de papier qui lui tombaient sous la main. Elle était l’élève «bonne en dessin» à qui on demandait régulièrement d’illustrer les travaux et présentations scolaires.
Pas étonnant donc qu’elle soit aujourd’hui artiste peintre. Ni qu’elle y puise bonheur, joie, réconfort. «J’adore la peinture, c’est une vraie passion», dit cette artiste lors d’une rencontre qui a lieu dans sa maison de l’arrondissement Jonquière. Ce qu’elle veut faire à travers ses toiles, c’est traduire en couleurs la beauté de la vie. Et cette beauté, elle la trouve surtout chez les enfants, ceux qu’elle voit aujourd’hui et ceux de ses souvenirs. Des enfants qui jouent, un bébé avec sa mère, deux petits avec leur père, tout cela émerveille celle qui se qualifie de «mère poule avancée». Elle aime observer longuement de telles scènes quand elle en trouve sur sa route.
Les couleurs vibrantes de ses toiles, la juxtaposition de  teintes chaudes et froides, réalisées par coups de pinceau amples et tout en courbes, expriment cette passion. Ainsi que le choix de ses sujets: ses scènes se passent exclusivement à l’extérieur, il
y a presque toujours des enfants, parfois des adultes, évoqués dans des activités de tous les jours: jeux, glissades, courses, parcours vers l’école, promenades. Et dans des postures et attitudes qui suggèrent discrètement l’existence de liens affectifs entre les uns et les autres. La pêche blanche, le ski, la balançoire, le patin, le vélo, la promenade en forêt, peuvent devenir sujets selon les saisons de l’année.
Banales en elles-mêmes, ces activités prennent des couleurs, une vie, une lumineuse intensité grâce au regard de Lucie Lapointe, qui, en travaillant sur sa toile, cherche à transmettre l’émotion qu’elle éprouve au cours de ses observations.
Elle ne recherche surtout pas, cependant, la reproduction exacte et réaliste des éléments observés: elle réorganise les paysages, y plantant des arbres et des maisons à son gré, y installant les personnages de son choix, issus de son imagination, de sa mémoire, de son émotion. Ses maisons colorées et fantaisistes, aux murs souples et aux angles adoucis, pourraient facilement illustrer des contes pour enfants.
Elle ne donne pas de traits aux visages, représentés par une surface de couleur chair. Cela permet aux gens d’y imaginer les traits de leur choix, et quand quelqu’un lui dit qu’il se reconnaît ou qu’il reconnaît son entourage dans une toile, «c’est ma plus belle récompense», dit-elle.
Dans son atelier, elle décroche complètement du monde extérieur: «je suis dans un autre univers, je pense seulement à transmettre un monde ludique, un monde de beauté», dit-elle. Elle veut faire saisir la beauté intérieure de ses personnages, qui respirent la joie de vivre, la sérénité et l’amour. Même la pluie est joyeuse chez Lucie Lapointe, que l’on ne verra jamais peindre des scènes de chasse, des tableaux dramatiques, ni quoi que ce soit qui évoque le mal physique ou moral, la mort.
Cet atelier, minuscule mais fonctionnel, est doté de tout l’équipement nécessaire: couleurs, chevalet, toiles, oeuvres déjà réalisées. Et un ordinateur, outil essentiel qui intervient en aval et en amont de son travail de peintre.
Elle promène sa caméra numérique dans les paysages et les lieux qui l’intéressent, qui l’attirent. La semaine précédant notre rencontre, par exemple, elle avait pris d’innombrables photos à Sainte-Rose-du Nord. Ces clichés remplacent avantageusement les croquis qu’elle faisait autrefois, car elles lui permettent d’augmenter le nombre de prises de vues susceptibles de l’inspirer, mais son travail de peinture, lui, n’a pas changé.
Très organisée, l’artiste s’impose un horaire régulier: elle peint le matin et l’après-midi, du lundi au vendredi, s’accordant des congés les fins de semaine, et pendant de courtes périodes aux Fêtes et à l’été. Et quand elle se rend dans son atelier, l’atmosphère est différente selon les jours: «parfois, je sais exactement ce que je vais peindre, et à d’autres moments, je commence sans trop savoir où je m’en vais».
Sortir
Si elle aime beaucoup peindre en atelier, Lucie Lapointe sait qu’elle a aussi besoin de «sortir» pour des  activités qui lui permettent de rencontrer d’autres peintres, et aussi son «public». Membre du regroupement les artistes de la Maestria, elle participe à trois ou quatre symposiums par année, aussi bien au Saguenay-Lac-Saint-Jean qu’à l’extérieur de la région. L’an passé, elle était   présidente d’honneur du symposium de Danville, près d’Asbestos et de celui de l’Ascension. Elle a été invitée aux symposiums de Shawinigan et d’Anse Saint-Jean, au Festival de la Montgolfière du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et à celui de Challenge Saguenay, entre autres événements.
Lucie Lapointe peint à l’acrylique depuis l’an dernier. Elle utilisait l’huile jusque-là, mais elle a été victime de la toxicité du médium. Obligée d’y renoncer, elle s’en trouve plutôt heureuse aujourd’hui. «J’ai eu une petite période d’adaptation, car l’approche est différente, mais j’aime la transparence de l’acrylique, la profondeur qui s’en dégage. Je suis en lune de miel avec mon médium», dit-elle,  ajoutant qu’elle ne reviendrait pas à  l’huile, même si elle le pouvait.