Faire vivre les formes et les matières
juin 1998
par Denise Pelletier
JONQUIERE(DP) - «De Nihilo Nihil», ou rien ne vient de rien: c’est le titre que donne l’artiste Michel Labbé à toutes ses installations, qu’elles soient réalisées dans un monastère espagnol, dans un château français ou dans une salle d’exposition comme celle du au CNE où ses oeuvres sont présentées jusqu’au 9 août.
Quand on entre dans la salle, on a l’impression de se trouver dans une forêt peuplée d’arbres étranges. Ces arbres, ce sont des cônes de diverses tailles, qui pointent vers le haut et qui pour la plupart sont constitués de bandes enroulés en spirale, allant d'une base large vers un sommet étroit et pointu. Ces cônes ne sont pas rigides: l’artiste y a imprimé des courbes, du mouvement, de sorte qu’ils font penser non seulement à des arbres, mais à des jambes humaines. Certains sont faits de lanières de cuir, d’autres de lanières de métal, d’autres enfin utilisent le bois et l’osier tressé.
Ils sont présentés par ensembles: dans l'un de ceux-ci, les cônes sont disposés sur et autour de feuilles de métal colorées par oxydation, placées au sol et au mur. Dans un autre ensemble, le support est une table longiligne, fabriquée de tiges de cuivre et de plaques de verre: les sept formes coniques, plus petites, sont posées là comme des bibelots, et l’utilisation des matières et des couleurs s’y débride quelque peu: métal vert ou bleu, ou encore surface piquée de clous. Un peu plus loin, trois éléments un peu différents sont accrochés au mur, dont ils semblent se détacher nettement: de forme ovoïde, ils sont réalisées en métal, en caoutchouc ou en bois, de lattes verticales plus ou moins larges.
Sur les murs aussi, quatre très grandes pièces faites de tableaux juxtaposés semblent entourer littéralement la forêt de surfaces colorées, en bleu, en rouge. Elles comportent quelques éléments figuratifs évoquant des constructions ou du mobilier; autour du cadre ou dans celui-ci, sont intégrées quelques pièces de bois qui rompent la régularité du contour ou de la surface.
Bien qu’il s’agisse d’oeuvres essentiellement non figuratives, elles évoqueront presque immédiatement au visiteur un ensemble de phénomènes concrets. Par exemple, ces formes coniques en spirale évoquent un mouvement vers le haut, celui d’une poussée, associée à la naissance, au monde végétal, à toute vie, en somme. Une vie qui apparaît ici par contraste avec la netteté des découpages, laquelle produit un effet esthétique fort intéressant, donnant une impression de beauté, de sécurité, de recueillement aussi.
Une exposition très intéressante, donc que celle de Michel Labbé: grâce à ses oeuvres, à leur interaction et à leur richesse symbolique, l'espace est littéralement transformé en un lieu vivant et fascinant.
Professeur à l'École des arts de l'Université Laval, le créateur Michel Labbé expose ses oeuvres et installations depuis 20 ans dans les musées et les principales galeries du Québec. Il a aussi exposé aux États-Unis en en Europe.