Jean-Jules Soucy

Genèse de la Pyramide
avril 1998

par Denise Pelletier

LA BAIE(DP) - Une ancienne rivière transformée en oeuvre d'art et une gigantesque pyramide, placée en bordure de route, qui réfléchira la lumière projetée sur elle: tels sont les deux éléments principaux, mais non les seuls, du monument-art de l'an 2000, un projet ambitieux et original géré par la Corporation de la Restauration des Ha!Ha!
Maître d'oeuvre du projet, l'artiste baieriverin Jean-Jules Soucy a élaboré un concept à la fois simple et complexe, dont l'élément de base est la pyramide qui, comme chacun sait, est constituée par des triangles juxtaposés. Il dévoilait son concept hier en conférence de presse, en compagnie du président de la corporation de la Restauration des Ha!Ha! Michel Bouchard, et de la comédienne Marie Tifo, qui a accepté de devenir la porte-parole nationale du projet.
Jean-Jules Soucy a donné des explications détaillées en s'appuyant sur des maquettes, des dessins, des plans, des éléments s'emboîtant les uns dans les autres pour prendre diverses formes, obligeant les journalistes à se rappeler leurs notions de géométrie et de trigonométrie. L'ancien lit de la rivière Ha!Ha!, qui n'existe plus depuis qu'un nouveau tracé a été assigné à la rivière après le déluge de 1996, sera à nouveau creusé, sur une distance d'environ 400 pieds et une largeur de 30 à 40 pieds, et rempli d'eau.
Dans ce lit, sous l'eau, seront installés des triangles équilatéraux multicolores en aluminium ayant un pied de côté: au nombre d'environ 28 800, ces triangles seront assemblés, par groupes de 64, en plus de 450  grands panneaux qui auront aussi la forme de triangles. Par le jeu des couleurs, rouge, vert, blanc, la lettre «A» sera dessinée à l'intérieur de chaque grand triangle. L'oeuvre contiendra donc les A (donc les Ha!Ha!) de l'ancienne rivière.
Le triangle a la forme du delta majuscule, la lettre grecque qui correspond au D, et l'artiste explique que ce projet est inspiré par «le goût des D», rappel de la solidarité nécessaire, et des vocations communautaire, commémorative, thérapeutique, touristique, artistique et technique du projet. Il s'agit en effet d'une réalisation qui se veut réjouissante, qui a pour but d'exorciser le déluge de 1996 et de lancer un message d'espoir pour l'avenir. Par ailleurs, le d, retourné de diverses façons, devient b, p, q ou même a si on lui coupe la hampe. Ce qui donne le message: «b, d, a, a, p, q», ou Baie des Ha!Ha! P.Q., souligne, imperturbable, celui qu'on a surnommé le Génie de la Baie.
Ces triangles seront éclairés du dessous et du dessus, et une petite place publique, la place des Ha!Ha!, sera aménagée à l'emplacement de l'ancien pont (maintenant détruit), d'où partira l'oeuvre de la rivière. Cette place de béton incrusté, qui reprendra certains éléments ornementaux de la rivière, sera réalisée par Ville de La Baie à même le budget de reconstruction, selon les instructions de l'artiste.
Dernier élément, qui risque d'être plus spectaculaire que les autres: une grande pyramide réalisée en CD, non pas des cédéroms ou des disques compacts, mais des «cédéz», ces panneaux de signalisation rouge et blanc de forme triangulaire que l'on aperçoit au coin des rues. La pyramide réfléchira donc la lumière des phares des voitures. Pour le matériau, deux avenues sont actuellement envisagées: aluminium et acier, ou tout aluminium. Cette dernière option intéresse tout particulièrement Alcan, qui a délégué un ingénieur spécialiste des structures d'aluminium pour conseiller le comité.
Les gens pourront entrer à l'intérieur de la pyramide et y circuler par des escaliers s'élevant par paliers jusqu'à une passerelle d'observation. D'autre part, il est possible qu'une scène soit intégrée à cette pyramide, afin de remplacer la Place du 150e, fortement endommagée par le déluge de 1996 et qui a dû être démantelée. Le conseil municipal a donné son aval à une étude technique sur l'intégration d'une scène, partie qui pourrait être assumée par le budget de reconstruction.
Parmi les options qui sont encore à l'étude: faire de la pyramide une horloge originale, par un système d'horodateur et de projecteurs qui l'illuminerait aux heures tout en émettant, comme l'horloge Big Ben de Londres, les quatre notes si, ré, la, la, soit B, D, A, A: l'acronyme sonore de baie des Ha!Ha! On envisage aussi la possibilité de relever à la verticale, pour la période hivernale, les triangles couchés dans la rivière, dont le sommet vert rappellerait celui des sapins.