La peinture: une question d'émotion
novembre 1995
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI (DP) - «Quand j'ai le goût de travailler, c'est plus facile de me rendre à l'atelier et de commencer, mais ce n'est pas toujours dans ces moments-là que les résultats sont les meilleurs». C'est la première constatation que fait le peintre Gilles Jobin, qui expose à la galerie La Corniche de la rue Racine, jusqu'au 30 novembre, ses huiles et gouaches les plus récentes.
Il estime donc nécessaire de travailler régulièrement, pas tous les jours, mais presque. «Parfois, le soir, je n'ai pas été à l'atelier, et j'ai l'impression de n'avoir rien fait de ma journée. Alors je m'installe, j'allume les grosses lumières, et je commence enfin ma journée», dit-il, un peu amusé de ce constat.
Ces considérations générales sont un peu sa façon d'aborder, par le biais, le vif du sujet, ses toiles elles-mêmes. Il veut bien en parler mais il sait bien au fond que tout ce qu'il peut en dire ne changera rien à ce qui est fait, et il a tendance à penser que ce sont ses tableaux qui devraient parler.
Elles parlent en effet, ces oeuvres où on aperçoit dans la plupart des cas des personnages, des visages aux lignes épurées: souvent immobiles, ils se mettent à bouger sur certaines toiles où éclatent aussi les couleurs vives, tandis que d'autres sont nettement plus sobres, travaillées dans quelques nuances d'un même ton. Gilles Jobin se dit content de quelques-unes des toiles exposées, lesquelles d'ailleurs ont fait l'objet d'une sélection parmi une production plus vaste, comme cette gouache intitulée «Lavis aux couleurs d'automne», cette huile intitulée «Ombre orangée», ou encore une autre huile, sans titre, où on aperçoit deux personnages féminins, en tons de gomme et vieux rose.
Les gens qui connaissent Gilles Jobin l'associent aux personnages, car il en a toujours placé dans ses oeuvres, mais pour lui, le sujet d'une toile n'en constitue pas l'élément essentiel. Il a abordé cette fois autre chose, par exemple un pur paysage avec de l'eau et des rochers, et aussi, dans une autre oeuvre, un train rouge qui se détache sur la neige blanche en une trajectoire coupée à angle droit. De toute façon, pour Gilles Jobin, le sujet n'a en lui-même pas d'importance, et il envisage éventuellement de ne plus peindre de personnages: l'important est plutôt de transmettre une émotion, sa propre émotion qui sera à son tour ressentie par la personne qui regarde sa toile.
On peut penser que les gens qui aiment ce que fait Gilles Jobin sont assez nombreux puisque déjà, plusieurs des oeuvres exposées ont été acquises. «Des gens qu'on ne connaît pas viennent nous dire qu'ils ont deux ou trois toiles de lui, et qu'ils attendaient avec impatience cette exposition (la dernière remonte à 1991) pour en acquérir d'autres», dit Pâquerette Hudon, la responsable de La Corniche.
Gilles Jobin, qui a maintenant dans la cinquantaine, est, on peut bien le dire, un peintre de la vieille école: de ceux qui ne discourent pas longtemps sur leur travail, mais qui aiment écouter ce que les gens ont à leur dire, qui travaillent dans une certaine solitude et que la foule, les interviews, les médias intimident quelque peu.
Né à Jonquière, il a toujours aimé faire du dessin. «J'habitais un sous-sol, à Arvida, et je me souviens que Pâquerette Hudon est venue voir mes travaux, et qu'elle en a pris quelques-uns pour sa galerie».
Il a ensuite quitté la région pendant quelques années, entre 1959 et 1966, pour étudier à l'école des Beaux-Arts de Québec. Il avait choisi les arts graphiques, mais s'est vite rendu compte que son domaine, c'était la peinture, et que sa région, c'était le Saguenay, et il est revenu y vivre. Sa première exposition a été présentée en 1972 au Centre culturel de Jonquière, puis, à peu près aux deux ans, il a exposé dans différentes salles de Jonquière et de Chicoutimi. Notamment en 1976 à la Corniche, située alors rue Lafontaine et qui venait tout juste d'ouvrir. Il a aussi réalisé des illustrations pour quelques ouvrages publiés dans la région.