Ajouter une dimension au paysage
octobre 2001
par Denise Pelletier
JONQUIERE(DP) - Une très jeune fille, accompagnée de sa mère, passe devant une de ses toiles, qui représente un chemin, quelques maisons, des arbres en hiver: «ça, c’est à Saint-André de l’Épouvante, et c’est le matin», dit-elle.
Cette simple réflexion a provoqué chez Paul Cloutier une des grandes émotions de sa vie de peintre. La jeune fille avait reconnu non seulement l’endroit, mais la lumière du matin, celle qui illumine le dessus des arbres au lever du soleil, parce qu’elle l’avait elle-même déjà observée: «j’ai constaté que j’avais réussi à lui passer un message», dit l’artiste en tentant d’expliquer les raisons de la joie qu’il a ressentie alors.
Cela se passait il y a deux semaines, alors que Paul Cloutier participait au Symposium de peinture du Mont-Lac-Vert. Et cette fin de semaine, il est présent au Symposium provincial des Villages en couleurs, à l’Anse-Saint-Jean et Petit Saguenay, non seulement comme peintre mais comme président d’honneur. Il est d’ailleurs un fidèle de cet événement, que l’on peut considérer comme le père de tous les symposiums de peinture du Saguenay-Lac-Saint-Jean et dont la onzième édition se termine demain.
Le titre de président d’honneur n’est pas honorifique dans ce cas, car celui qui en hérite, choisi par ses pairs et par le comité organisateur à la fin d’un symposium pour celui de l’année suivante, a beaucoup de travail. Il doit être sur place pendant toute la durée de l’événement, qui compte cette année deux jours de plus puisqu’il a débuté jeudi plutôt que samedi. Il doit même peindre des oeuvres spécialement pour la circonstance: les deux tableaux qui seront tirés au sort parmi les visiteurs, la toile reproduite sur les chandails aux couleurs du Symposium, et celle qui illustre les affiches: pour cette dernière, Paul Cloutier a peint un chemin bordé d’arbres aux couleurs automnales qui descend près des montagnes. Il a intitulé son oeuvre «Les chemins de l’imaginaire», titre qui est devenu aussi le thème du Symposium 2001.
Il faut aussi, pour assumer la présidence, avoir un certain «vécu» au niveau de la peinture, ce qui ne veut pas dire qu’on doive en vivre. Comme plusieurs des participants au symposium, même les plus réputés, Paul Cloutier travaille pour gagner sa vie. Il est négociateur commercial pour Alcan, après avoir étudié en électronique industrielle, puis enseigné et travaillé dans ce domaine pendant quelques années.
Mais le dessin l’intéresse depuis son enfance: né à Québec, il a grandi à Ste-Monique de Honfleur, puis à Chicoutimi où il a fait ses études universitaires avant de s’établir à Jonquière. «Mes parents étaient sensibles à l’art et un de mes cousins gagnait sa vie en faisant de la peinture, ce qui me fascinait», dit-il, ajoutant qu’il a toujours aimé dessiner.
S’il ne pensait pas faire carrière dans ce domaine, plusieurs expériences lui servent aujourd’hui: par exemple, le fait d’avoir tout jeune aidé son père, peintre en bâtiment, à mélanger les couleurs, comme devait le faire chaque ouvrier à l’époque. Paul Cloutier y a appris certains principes qu’il n’a jamais oubliés. Par ailleurs, pendant ses études universitaires, il a étudié le dessin technique: perspective, point de fuite, là encore des principes très présents dans sa pratique.
Amateur de chasse, de pêche et de plein air, il a pendant plusieurs années fabriqué des mouches pour la pêche, selon les techniques traditionnelles, qui exigent précision, concentration, imagination, bon sens des couleurs.
Pendant tout ce temps, au cours de ses voyages, il visitait les galeries d’art, s’intéressait à la peinture, continuait à dessiner. Puis un jour, il y a une douzaine d’années, il a acheté un coffre de couleurs à l’huile.
«J’ai commencé à lire beaucoup de livres et d’articles sur la peinture, je voulais apprendre la théorie, mais je me suis aperçu que la meilleure façon d’apprendre et de progresser, c’était de me mettre à l’ouvrage et d’y consacrer beaucoup de temps», dit-il. Aidé par les conseils de son ami le peintre Jean-Paul Lapointe, Paul Cloutier a donc apprivoisé son médium, ses sujets, ses idées.
C’est la nature plus que la ville qui l’intéresse, et il a parcouru toutes les routes de la région et du Québec, préférant toujours les petits chemins aux grandes artères, observant d’une façon toute particulière tout ce qui s’offre à ses yeux: «quand on est peintre, on voit des choses que les autres ne voient pas», dit-il.
Quand il peint, il ne cherche pas à reproduire un paysage tel qu’il l’a vu, mais à capter une atmosphère, ce qu'il fait en travaillant avec la lumière. «Je voudrais que le regard puisse aller de l’autre côté de la montagne ou du cours d’eau que je viens de peindre, comme s’il y avait quatre dimensions au lieu de trois», dit-il.