Yves Tremblay

Un travail sur l'air et l'aire
septembre 1997

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - Depuis plus de 15 ans, Yves Tremblay installe un peu partout dans la région des oeuvres aux sens multiples, abordant à travers elles des sujets qui préoccupent, ou devraient préoccuper tout le monde, souvent dans une perspective écologique. Plusieurs de ses titres sont percutants, ironiques, comme la «plantation de manche de hache», (1986, RFA), «le mangeur de lettres et l'analphabète de métal» (Allemagne, 1987) ou encore son «élevage de verres de terre» présenté à Chicoutimi et à Québec avec l'atelier Insertion en 1988.
Cette fois il propose, à Espace Virtuel, «Digue/Guide», une installation qu'il a réalisée pendant une résidence d'artiste qui s'est déroulée du 8 au 17 septembre. Comme c'est habituel chez lui, plusieurs thèmes se chevauchent et s'enchevêtrent, et le discours par lequel il explique son travail est truffé de jeux de mots et de jeux sur les mots qui ont entre autres pour but de montrer comment son processus de création s'articule à la réalité de tous les jours.
Deux thèmes majeurs peuvent se dégager de cette accumulation d'objets que trouvera le visiteur dans la salle: ballots de forme allongée en papier fort gonflés d'air, tubes de carton arrangés de diverses manières, pales de ventilateur supportant des globes lumineux, «roses» rouges posées au mur, dont le centre est occupé par un capteur. Le thème de l'air et le thème du lieu.
Yves Tremblay a effectué plusieurs démarches artistiques publiques dont la dernière sur la zone portuaire lors des Journée de faire, afin de prélever de l'air. Et il a ensuite «enfermé» cet air dans ces gros ballots dont l'enveloppe est formée de six épaisseurs de papier fort et que l'on trouve dans la salle, empilés par terre, ou encore à la verticale, suspendus au plafond dont quelques carreaux ont été enlevés pour leur faire place. Chacun d'eux, gonflé au maximum, porte une valve fermée par un bouchon: si on enlève celui-ci, l'air s'en échappera.
En tentant d'installer dans la galerie ces pièces réalisées en grande partie en atelier, Yves Tremblay a jonglé aussi avec la notion de lieu, son autre thème. D'abord parce qu'il a vécu dans cet espace et qu'il l'a investi totalement au cours de son séjour en résidence. Cette galerie est donc devenue sa maison: après l'artiste en résidence, on a la résidence de l'artiste. Puis il a associé le lieu et l'air par la notion de chaleur: l'idée que cet air devrait être chaud, circuler, et donc chauffer la résidence. Ce qui circule, c'est aussi le visiteur, qui déambule à travers cette installation et dont le regard se promène de gauche à droite et de haut en bas.
Comme toutes ces idées et notions ne sont peut-être pas évidentes à la vue de l'installation, Yves Tremblay, toujours à la recherche de liens à créer entre son travail et le grand public, a eu l'idée d'inviter ses «frères» au vernissage de son exposition, jeudi dernier: 47 invitations ont été envoyées à autant de personnes au Saguenay qui portent le même nom que lui!
Natif de Chicoutimi, Yves Tremblay a obtenu un baccalauréat en enseignement des arts de l'UQAC en 1979 et il a ensuite choisi de demeurer dans sa région natale pour y travailler. Il a exposé dans plusieurs galeries du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, de même qu'à Québec et à Montréal. Il a réalisé, seul ou en groupe, de nombreuses interventions et performances au Québec et en Europe, notamment avec l'atelier Insertion. C'est lui notamment qui avait réalisé une sculpture environnementale en neige usée et distribué des «billets d'infractions culturelles» à Chicoutimi. En 1991, il a présenté les installations «Jachère» à Marseille, et «Bagages de mains» à Sopot en Pologne. L'année précédente, il avait organisé une «manoeuvre artistique» intitulée «Opération Berlingot 50 000» à la galerie Le Lieu de Québec, et présenté des performances en France et au Québec. Il est associé à l'événement Cuesta, organisé en collaboration par la galerie Séquence et la Grimsby Public Art Gallery en Ontario, et il a présenté, en 1992 à Espace Virtuel, une installation intitulée «Eau Dure».