Mylène Rochambeau

Barques et sable: racines et identité
 septembre 1997

par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - En entrant dans la salle, au plafond très haut et aux murs noirs, on marche sur du sable. On découvre, posés par terre, des pierres isolées ou regroupées, et des objets en bois dont la forme évoque le bateau: on a alors l'impression de se retrouver sur un site archéologique d'où auraient été dégagés des vestiges d'anciennes civilisations.
Mylène Rochambeau est partie à la recherche de son identité culturelle et elle en rassemble les éléments dans cette installation intitulée précisément «Archéologie sculpturale, un prolongement de sept barques en exil». L'exposition est présentée par l'Oeuvre de l'autre, mais dans une salle située un peu plus loin que les locaux de la galerie, le C-318.
Mylène Rochambeau évoque dans cette exposition les multiples aspects de sa culture, riche et complexe, qui tire des éléments de ses origines antillaises, des racines indiennes et asiatiques de sa famille, de la culture européenne qui lui a été transmise pendant ses études et enfin de la culture québécoise qu'elle a aimée, adoptée et intégrée depuis son arrivée ici, à l'âge de 21 ans.
Comme symbole de ces origines, elle a choisi la barque, associée à la femme. L'exposition comprend donc sept pièces ou barques, correspondant à sept femmes d'autant de civilisations différentes, correspondances qui sont précisées dans les titres inscrits sur de petites cartes: «barque masquée» pour la femme caraïbe, «barque animale» pour la femme arawak, «barque sein» pour la femme antillaise, «barque tatouée» pour la femme indienne, «barque sacrifice» pour la femme africaine, «barque nid» pour la femme asiatique et enfin «barque offrande» pour la femme française.

Toutes ces «barques» ont pour matériau de base le bois, du bois de grève ou de récupération que l'artiste a trouvé au fil des trois années consacrées à l'élaboration de son exposition. Chaque pièce a été travaillée de façon particulière, colorée au moyen de pigments naturels et recouverte d'une résine transparente qui donne au bois fragile la solidité nécessaire. Les éléments qui constituent chaque pièce renvoient de façon assez précise au sens du titre.
C'est une exposition à l'intérieur de laquelle le visiteur entre et peut librement se déplacer: «c'est très important pour moi que les gens puissent toucher les pièces, contrairement à ce qui se passe dans les galeries», dit-elle. Ils doivent se pencher pour lire les cartes, comme s'ils étaient sur un site archéologique, ce qui renforce le contact entre eux et l'oeuvre.
Ces barques et ce sable renvoient à diverses notions, entre autres celle de la plage et des îles, et par conséquent de l'exil. Un exil qui fut librement choisi par Mylène Rochambeau, et qui est pour elle beau, positif, ce qui n'exclut pas à l'occasion une nostalgie teintée de mélancolie pour son pays natal, la Martinique. Là-bas, elle avait étudié à l'école des Beaux-Arts et déjà réalisé une production importante en peinture: des toiles où les couleurs étaient vives, tranchées, comme celles de son île.
Arrivée à Chicoutimi pour des études en arts à l'UQAC,  inspirée par l'hiver et par les teintes de la forêt, elle a peu à peu délaissé la couleur pour travailler plutôt le blanc et les teintes neutres. Au moment de faire sa maîtrise, influencée par un travail effectué avec la designer Denise Lavoie, elle a opté pour la sculpture, et l'exposition présentée jusqu'au 13 septembre constitue son travail de fin de programme, effectué sous la direction d'Hélène Roy.
«Tout de suite, dit-elle, je me suis sentie bien ici, bien accueillie et en accord avec la culture québécoise. J'ai même découvert que des peintres que j'aimais beaucoup déjà, comme Riopelle et Borduas, étaient en réalité québécois, alors qu'on me les avait présentés comme français».
Cette culture s'est ajoutée aux racines qui étaient déjà les siennes, pour former une sorte de métissage culturel qui fait précisément l'objet de son exposition. Dans le texte du mémoire rédigé parallèlement à la pratique, elle explique avoir découvert qu'elle possède «une identité, et plusieurs racines».