Ode à la gravité de l'inutile
octobre 2000
par Denise Pelletier
CHICOUTIMI(DP) - «Un clin d'oeil à l'inutilité et à la gravité de l'oeuvre d'art»: c'est ainsi que Chantal Beaulieu décrit l'exposition qu'elle présente à Espace Virtuel jusqu'au 3 novembre.
Les sculptures et tableaux de cette exposition, intitulée précisément «Gravité», ont été confectionnés à partir d'objets utilitaires que l'artiste a collectionnés, récupérés et transformés. Ce sont des oeuvres uniques ou des séries d'oeuvres qui ont entre elles des points communs et des différences.
La série la plus frappante est sans doute celle des cravates, faite de dix petits cadres de bois renfermant chacun une cravate nouée de façon très correcte sur le plastron et sous le col d'une chemise blanche. Ce sont de vraies cravates, aux teintes sobres, unies ou encore à discrètes rayures ou à petits pois.
Mais sous le noeud, au lieu de pendre comme des cravates normales, elles ont été enroulées de façon à former une spirale un peu plus grosse que le noeud lui-même. Appelées «les objets de la gravité», ces cravates défient en réalité les lois de la gravité, puisque leur bout, plutôt que de de pointer vers le bas, a effectué un parcours dynamique vers le haut...
Un autre ensemble d'«objets de la gravité» comprend trois montages, installés aussi dans de petits cadres en bois: dans l'un se trouve un fil à plomb, allusion directe à la gravité puisque c'est son principe d'action. Mais là aussi le principe est «contrarié» par le fil lui-même, qui au lieu d'être tendu par la pièce de plomb, est tout enroulé et mêlé en une masse plus ou moins formée. Dans un autre cadre, on aperçoit un cintre en bois dont les deux extrémités ont été repliées vers les côtés et vers le bas, le long des contours du cadre.
L'installation comprend aussi des pièces posées au sol, par exemple un grand arc de bois à la corde tendue. Il n'y a pas de flèche, mais s'il y en avait une, elle pointerait vers le petit lapin de plâtre posé un peu plus loin. L'oeuvre s'intitule «La flèche perdue (mais qui s'en soucie)». Il y a aussi un ensemble de 19 chapeaux de paille posés en tous sens et piqués sur des baguettes de bois qu'ils relient comme les piquets d'une tente.
Mais l'oeuvre qui parle le plus de la gravité, c'est celle qui s'intitule «Les actions de la gravité: prendre la peine de s'alléger». C'est un petit cheval gris-blanc fait d'argile, une sculpture entièrement parsemée de trous qui la percent de part en part. La créature, accrochée par les pattes de devant à une tige de métal posée au mur à hauteur du regard, semble assise ... dans le vide. Cette figure charmante, mi-animale, mi-humaine, défie la gravité à cause des trous qui la font paraître légère comme une dentelle, et parce qu'elle semble parfaitement à l'aise de se trouver ainsi entre le sol et le plafond.
En s'amusant avec les lois de la gravité, Chantal Beaulieu accomplit donc tout un travail sur la rupture du rythme, le détournement du sens et les possibilités du langage visuel. Originaire de la région du Témiscouata, l'artiste a étudié à Rimouski, puis à l'Université de Montréal, où elle a complété une maîtrise en photographie et arts plastiques. Elle vit et travaille à Montréal.