Claudine Cotton, Francine Larivée, Michelle Héon

Trois créatrices au chevet de la terre
septembre 1997

par Denise Pelletier

JONQUIERE(DP) - L’une des quatre expositions de l’événement artistique Au nom de la terre est présentée au CNE de Jonquière. Trois créatrices y proposent une vision du monde en rapport avec le développement durable, qui fait lui-même l’objet du congrès international Nikkan. Si celui-ci se termine aujourd’hui, les expositions se poursuivent quant à elles jusqu’au 5 octobre.
L’artiste chicoutimienne Claudine Cotton nous propose deux ensembles situés de part et d’autre de l’entrée de la salle, qui constituent les volets d’une seule installation intitulée «Pas, peu». Les textes inscrits sur le tapis à la craie blanche donnent des éléments d'explication à ces deux mots: des pas, il y en a peu, ou des objets il n’y en a pas peu, c’est-à-dire il y en a beaucoup.
Ce dernier sens est plus plausible quand on lit: «trop d’hiver entre nous», «trop de désert entre nous», mais c’est le premier qui prime dans «des étés trop courts». L’une de ces installations combine de petits rectangles de bois, recouverts de velours rouge et posés par terre: ils évoquent peut-être des pas, comme des traces laissées par quelqu’un, ou encore des étuis dans lesquels on pourrait mettre des lunettes, de la monnaie, des objets précieux. Tout près sont disposées des baguettes de verre ou de plexiglas, entrecroisées sur le sol ou montant le long du mur. En guise d’anneaux les reliant bout à bout, on trouve des bouts de papier sur lesquels sont inscrits des mots tels «nos capacités la nécessité, abandon, pardon». La deuxième pièce comprend de gros sacs de toile plastifiée contenant de la farine. L’un d’eux est ouvert, et la farine qui s’en échappe est disposée en une ligne large et nette, comme un chemin qui s’achève en une pointe effilochée. Sur cette «flèche» sont éparpillés quelques éléments solides, qui ressemblent à des coquillages ou à de la pâte fabriquée avec la farine.

Tous ces éléments mettent en relief une notion, celle de lien: le lien entre les êtres humains, entre eux et les choses, le besoin non pas d’une communication, mais d’un affect qui circulerait librement entre les choses vivantes et inertes. Par ailleurs, ce «peu ou pas» fait sans doute référence au travail même de l'artiste, qui a créé beaucoup d'oeuvres reposant sur l'accumulation d'un nombre important d'objets semblables. Ici, le nombre des objets est relativement restreint, ce qui ne nuit nullement à la qualité du contenu.
Francine Larivée propose quant à elle un montage intitulé «Unité des soins intensifs». Par terre, une grande croix, rouge bien entendu. Au bout de chacune de ses branches, un ensemble comprenant des étagères sous verre, entourées de toile blanche, sous un éclairage cru comme celui d'une salle d'opération. Chaque étagère a deux niveaux: au-dessus, on aperçoit un morceau de mousse, et en bas, un contenant transparent où est enfermée la photo d’un paysage. Le sens de ce très beau montage semble évident: c’est le paysage, la terre qui est aux soins intensifs: il faut l'examiner, poser un diagnostic et la soigner...
Au fond de la salle, l’installation de Michelle Héon est composée de structures réalisées en fibre végétale, le matériau privilégié par cette artiste depuis ses débuts. Ces structures posées par terre et le long du mur, de forme triangulaire, avec des pointes et des trous, font penser à des feux, impression accentuée par l’éclairage disposé au sol. Ce sont toutes les notions reliées au feu qui apparaissent: l’homme primitif, les grottes et les cavernes, les fantômes aussi qui peuplaient les légendes, les vestiges laissés par les grands incendies. L'idée aussi de danger, de destruction. Envoûtement, mystère, beauté saisissent le visiteur, cependant il n’y a pas de message imposé: le paysage est lunaire, éphémère, imaginaire.
Collection
Les visiteurs qui passeront au CNE peuvent voir, jusqu’au 28 septembre dans une salle voisine, une exposition regroupant des toiles de la collection de la Banque Nationale. Oeuvres de différentes époques, elles sont en majorité récentes. Beaucoup de grands formats, des oeuvres abstraites comme «Le saule»  de Louise Masson, «Vallalla II» de Rita Letendre, «Courants» de Marcel Saint-Pierre. Des oeuvres anciennes et figuratives aussi, telles ces aquarelles de Joseph Franchère et William Brymner, et des huiles de Charles Gagnon, Maurice Cullen, Herman Heimlich. Et deux pièces magistrales: «Équinoxe II», de René Derouin, grande mosaïque constituée de 11 plaques de bois noir gravées, et la grande huile abstraite de Michael Smith intitulée «A place Once Known».