Jean-Paul Ladouceur

Un aquarelliste au sommet de son art
septembre 1994 (artiste décédé en 1992)


par Denise Pelletier
LA BAIE (DP) - Pour la plupart des gens qui s'intéressent aux arts visuels, le nom de Jean-Paul Ladouceur est immédiatement associé à l'aquarelle. Une association confirmée avec éclat par la très belle exposition qui nous est présentée, jusqu'au 23 octobre, au Musée du Fjord de la Baie. Préparée par  le Musée Laurier d'Arthabaska, cette exposition regroupe 43 oeuvres de Ladouceur. La très grande majorité sont des aquarelles, mais il y a aussi quelques gouaches et acryliques.
Même si c'est très peu comparé à l'immense production de cet artiste, ces oeuvres choisies sont en qualité et en nombre suffisants pour donner au plus capricieux des visiteurs une idée exacte de la qualité de l'oeuvre. Et pour lui procurer, ce qui est plus important encore, de nombreux instants de pur plaisir. Tout cela est en effet accessible, vibrant et séduisant.
On remarque d'abord que, bien que privilégiant l'aquarelle, Ladouceur n'exploite pas beaucoup la fluidité du médium: il le travaille un peu comme un dessinateur manie la gouache, utilisant les couleurs sombres, assez opaques, éclairant seulement les quelques éléments importants qui accentuent l'impact de son sujet.
L'une de ses qualités les plus importantes, c'est sa capacité à trouver l'angle, le point de vue qui mettra en valeur son sujet: il coupe impitoyablement tout ce qui est superflu, il ne craint pas de choisir un angle inhabituel pour obtenir la mise en valeur de son sujet. Et ce talent de cadreur n'est pas le fait d'une génération spontanée: Jean-Paul Ladouceur a sans doute mis à profit l'expérience  acquise dans les divers métiers qu'il a exercés: illustrateur, caricaturiste, cameraman, réalisateur.
Bien qu'il ait peint toutes sortes de sujets, on sent que Ladouceur était particulièrement inspiré par les objets simples, rustiques, par les textures des vielles planches et de la pierre. Assez curieusement en effet, il peint assez peu les vastes paysages: il préfère s'approcher, comme s'il tenait une caméra à la main, pour peindre, si on peut dire, en gros plan. Les éléments naturels, pierres, végétation, passent au second plan: en fait, ils servent plutôt à mettre en valeur le véritable sujet de la toile, qui est toujours un objet fabriqué par l'homme, mais vieilli et usé par le passage du temps.
Ainsi, dans «Des jalousies peintes en vert», on ne voit que cela: une vieille fenêtre, dépolie et cassée, encadrée par deux volets verts. La toile «Trois galettes de sarrasin dures» laisse apercevoir lesdites galettes placées dans une vieille assiette. Un peu plus loin, c'est un berceau d'enfant qui occupe presque l'entier de la toile. Il y a de magnifiques natures mortes, toujours cadrées très serré, ce qui en accentue l'impact. Par exemple, «Pastèque et citron», qui fait ressortir, sur fond sombre, les couleurs vives des deux fruits.
Une autre série de l'exposition est celle des portraits: Jean-Paul Ladouceur saisit avec beaucoup de tendresse et un remarquable sens de l'observation les quelques traits, vêtements ou attitudes qui définissent l'entier d'une personne. Il a peint des gens de sa famille, des personnes connues ou des inconnus que le hasard a mis sur sa route. Cette remarquable exposition inclut également deux  intéressants autoportraits: une aquarelle réalisée en 1940, alors que l'artiste avait 19 ans, et une encre faite 60 ans plus tard, qui permet d'observer comment ce visage a changé et comment aussi il est resté le même.
Une autre série aussi propose des paysages américains, sans doute inspirés à l'artiste par un voyage dans la région du Grand Canyon, vers  1990. Ces paysages étaient pour l'artiste des objets de curiosité, avec lesquels il n'avait pas de relation privilégiée, et cela se voit dans les toiles en question: il demeure distant face à son sujet.
Il ne faudrait pas oublier, en visitant cette exposition remarquable, que Jean-Paul Ladouceur n'a pas été seulement un aquarelliste: il a travaillé à l'Office National du Film, puis à Radio-Canada comme scénariste et réalisateur. C'est lui qui a entre autres conçu et réalisée la série télévisée «Pépinot». Il a enfin été vice-président de Télé-Métropole pendant plusieurs années. Jean-Paul Ladouceur est mort en 1992.